Parution : Orwell a-t-il vu juste ?, Sillery, Presses de l'Université du Québec, 1986, p. 101-115.
Pour Michel Guay, 1984 est un « [...] plaidoyer pour l’accessibilité à une information juste, à la vérité historique, au recul critique, comparatif et analytique du passé, moyen essentiel pour empêcher, selon Orwell, la manipulation des cerveaux ». L’essayiste fait donc de l’abolition de l’Histoire en tant qu’objet et discipline scientifique la pierre angulaire du système politique de l’Angsoc. Deux raisons expliquent cette politique du Parti contre l’Histoire. L’absence d’Histoire élimine carrément tout point de comparaison possible avec le vécu présent (qui souffrirait de cette comparaison) et sauvegarde l’image d’infaillibilité du Parti et de ses dirigeants. La falsification de l’Histoire se réalise au sein de l’État et directement sur les personnes en prenant diverses formes : réécriture du passé au présent, fabrication de personnages historiques, disparition organisée des faits et des personnes. « Ultimement, le Parti accapare l’Histoire et en vient à se présenter comme l’âme et le moteur de tout le processus historique ». Les conséquences de cette manipulation du passé sont prévisibles : absence totale de sens critique et perte organisée de mémoire.
Guay ne croit pas que le modèle orwellien soit notre réalité d’aujourd’hui mais il identifie trois dangers qui guettent notre société: la surestimation du boum actuel de l’informatique et de ses supposés effets bénéfiques pour tous les individus, le renforcement de la mainmise de l’État sur la recherche, l’enseignement et la diffusion des sciences humaines et, enfin, la tentation d’oublier les messages de 1984. En terminant, l’historien conjecture les problèmes et les crises de nos sociétés au cours des trente prochaines années.
Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1986, Le Passeur, p. 161.