Parution : La Petite Revue de philosphie, vol. 9, n˚ 2, Longueuil, 1988, p. 53-77.
Gilles Drainville interroge la figure du diable dans la littérature orale et dans les textes des conteurs québécois du XIXe siècle. Il rappelle que dans la mythologie judéo-chrétienne, le diable est réduit à une image unilatérale, étant le résultat d’une dissociation de la figure divine avec laquelle il entretient un rapport d’opposition plutôt que de complémentarité. Cependant, les contes et légendes ont réintroduit l’ambivalence du personnage, ce que l’essayiste démontre par une série d’exemples en évoquant diverses représentations populaires du diable.
Drainville s’appuie sur les travaux théoriques de Marie-Louise von Franz pour cerner le rôle du diable dans l’imaginaire collectif québécois. Il en arrive à la conclusion que le diable a assumé la fonction érotique qu’il a contribué à libérer de la finalité unique qu’on lui attribuait : la fertilité de la chair. L’essayiste jette ainsi un éclairage nouveau sur le diable, selon qu’il prenne la forme humaine (beau danseur) ou une forme animale (cheval, loup-garou), et il relie sa fonction à celle du dieu grec Pan.
À travers des récits tels que « La Chasse-galerie », « Le Loup-garou » de Pamphile LeMay et « La Corriveau », Drainville démontre que la sexualité est prise en charge par une divinité infernale qui incarne la dimension de l’érotisme renié. L’enjeu de ces contes qui mettent en scène le diable peut se résumer à une question d’éthique : « Comment se conduire face à l’éros ? » Et pourtant, conclut l’auteur, cette immense responsabilité n’a pas empêché la figure du diable de s’étioler dans le patrimoine narratif à partir de la décennie 1930-1940.
Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1988, Le Passeur, p. 191.