Fabien Ménard

Parution : Solaris 85, Hull, 1989, p. 36-40.

Fabien Ménard examine le mythe de l’androgynie dans le roman d’Élisabeth Vonarburg, Le Silence de la cité, moins comme une utopie des corps qu’en tant que potentialité psychique. Il rappelle que ce mythe participe à la fois « au devenir d’un type nouveau d’humanité dans lequel le mélange des sexes serait la source d’une nouvelle conscience (et) à un retour vers un passé, quête platonicienne de l’être perdu ». L’auteur précise qu’Elisa et ses créatures sont successivement et non simultanément mâles et femelles, ce qui n’en fait pas de véritables hermaphrodites, mais il estime que cette variante du thème de l’androgyne débouche tout autant sur le problème des rapports hommes/femmes.

 Ménard isole trois discours dans le roman de Vonarburg : le discours de l’androgyne, celui du patriarcat absolu et celui de l’amazone. Il montre comment l’intégration bisexuelle favorise l’égalité des sexes en ouvrant la conscience de l’être humain à une pluralité de réalités différentes. Égalité dans la ressemblance comme le proclame le discours néo-féministe ou égalité dans la différence comme le proclamait le féminisme pur et dur ? 

Abandonner ses différences signifie une perte d’identité, sous-entend l’au­teure. C’est pourquoi l’identité sexuelle des créatures d’Elisa est protégée puisqu’elles peuvent choisir leur sexe après avoir fait l’expérience de l’un et l’autre. Sur le plan physique, l’androgyne, symbole de l’être total pour les alchimistes, demeure une utopie mais sur le plan psychique, « la psychanalyse tend à considérer le Moi comme foncièrement bisexuel dans sa constitution » (Stoller et Freud). La reconnaissance d’une bisexualité intériorisée remet donc radicalement en question le rôle de l’Autre qui se présente, pour le discours patriarcal comme pour celui des femmes de Libéria, comme une irréductible différence. Cette « différence sexuelle implique irrémédiablement le manque de l’Autre, dont l’androgyne réalise l’annulation » conclut l’essayiste.  

Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1989, Le Passeur, p. 239-240.