Parution : Solaris 121, Roberval, 1997, p. 22-27.
Qui imaginerait des rapports entre le maître du fantastique et, de toutes les religions, le bouddhisme ? L’auteure, grande admiratrice de Lovecraft et bouddhiste elle-même, est bien consciente du problème et reconnaît, avec humour, qu’elle est peut-être la seule à percevoir des liens. Elle se charge de nous en prouver l’existence en commençant par établir trois catégories d’assonances bouddhiques chez Lovecraft. Elle découvre d’abord des liens ténus, peut-être fortuits, qui ont l’avantage de préciser certaines positions esthétiques ou philosophiques de Lovecraft. Une mention, par exemple, de Shambhala, ou sa connaissance possible du peintre et illuminé Nicholas Roerich. Elle constate ensuite un goût commun du paradoxe, dont l’usage est systématique dans la prajñaparamita et dans les œuvres du Rêveur de Providence. Elle souligne aussi, en passant, l’aspect non théiste du bouddhisme qui s’accorde avec l’athéisme reconnu de l’écrivain.
La peur, bien présente chez Lovecraft, n’est pas absente du bouddhisme, tel que le démontre l’expérience de panique de plusieurs méditants. Esther Rochon s’étend plus longuement sur les rapports entre le rêve et le réel, remarque chez Lovecraft le même sentiment devant le réel que le bouddhiste. Chez l’un et l’autre, il n’y a pas de différences entre les images nées du réel et celles nées du rêve intime. L’un et l’autre privilégient le projecteur à la projection.
L’auteure conclut en rappelant l’existence de l’un des rares liens historiquement plausibles entre Lovecraft et le bouddhisme, la citation du début de la nouvelle « La Clé d’argent », dans Démons et Merveilles, par l’intermédiaire du philosophe allemand Schopenhauer, fortement attiré par le bouddhisme et que Lovecraft avait lu.
Source : Sirois, Guy, L'ASFFQ 1997, Alire, p. 216-217.