Parution : Revista Española de Estudios Canadienses, vol. II, n˚ 1, Madrid, 1994, p. 64-73.
Antón Risco brosse un portrait de l’évolution du fantastique québécois sur près de deux siècles. Au XIXe siècle, le genre se conforme aux préférences esthétiques de l’élite laïque et à la morale établie par l’Église. Il doit refléter la réalité vécue par le peuple et être édifiant. Si la nature constitue le seul modèle d’art valable, « la religion permet cependant quelques transgressions aux lois de la nature […] en autant qu’elles révèlent l’existence du surnaturel ». C’est la caution qu’utilisent les auteurs de contes fantastiques tels que Louis Fréchette, Honoré Beaugrand, Charles-Marie Ducharme et consorts qui, à l’image de Charles Nodier en France, ont voulu fixer littérairement les légendes pour éviter qu’elles soient balayées par le progrès. Le réalisme et le fantastique partageaient alors une même finalité : « celle de définir un peuple ».
Au XXe siècle, le fantastique répond à d’autres impératifs. Passant rapidement sur la première moitié de ce siècle peu féconde en récits fantastiques, Antón Risco s’attarde sur la production des années 1960 à 1990 en la situant dans le contexte des changements sociopolitiques du Québec (identité nationale, abandon de la pratique religieuse, émergence du joual) mais aussi des bouleversements esthétiques provoqués par l’avant-garde artistique (le surréalisme, le dadaïsme). Les fantastiqueurs québécois proposent « des mythologies personnelles et audacieuses » qui rendent compte plus que jamais du débat qui caractérise depuis toujours le fantastique, c’est-à-dire « celui du connu avec l’inconnu ».
L’essayiste conclut son exposé en affirmant que le conflit se joue désormais sur le terrain de la problématique du sens : « Ce n’est pas seulement les rapports du naturel et du surnaturel, de la fiction et de la réalité que le fantastique de notre siècle met en scène, mais aussi et surtout celui du contenu et du vide. »
Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1994, Alire, p. 220.