Parution : L'Avenir, actes du XXIe congrès de l'Association des sociétés de philosophie de langue française, Paris, Librairie philosophique J. Vrin, 1987, p. 118-120.
D’entrée de jeu, Guy Bouchard remarque une diminution importante du nombre des utopies positives (eutopies) comme si l’imagination « masculine » ne parvenait plus à inventer le futur que sous le signe du désespoir. Il constate toutefois que depuis le début des années 1970, les femmes ont relancé l’eutopie en y redéfinissant les rapports entre les sexes. Le théoricien de l’utopie dégage deux modèles majeurs de cette nouvelle vague eutopique féminine. Les Guérillères de Monique Wittig illustre le renversement du despotisme masculin sans proposer l’élimination des mâles alors que The Female Man de Joanna Russ, qui incarne le radicalisme extrême, envisage cette solution.
Bouchard privilégie l’interprétation symbolique du conflit armé opposant les sexes en avançant que « la guerre signifie la nécessité d’une rupture radicale qui, en d’autres textes, pourrait être obtenue autrement » : épidémie décimant les mâles, découverte génétique permettant de contrôler le sexe des sujets, etc. Bouchard croit d’ailleurs que toute transformation des superstructures économico-politiques doit nécessairement passer par l’élimination de la répression sexuale (l’oppression des femmes par les hommes), source et modèle de tous les despotismes. Aussi, voit-il dans les utopies féministes, qui proposent une société où toute domination de l’humain par l’humain est abolie, la plus sûre garantie de l’avènement d’une société meilleure, objet même de la pensée hétéropolitique.
Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1987, Le Passeur, p. 203-204.