Élisabeth Vonarburg

Parution : La Dame de la haute tour, Paris, Presses Pocket 5469, coll. Le grand temple de la S.-F., 1993, p. I-XIV.

Dans cette préface de l’anthologie dont elle a fait le choix de nouvelles et la traduction, Élisabeth Vonarburg présente les thèmes récurrents dans l’œuvre d’Anne McCaffrey et situe sa position dans l’évolution de la science-fiction américaine. Elle rappelle le contexte dans lequel la vocation de McCaffrey (1926-2011) s’est développée, sa situation familiale, les valeurs de l’époque et ses influences littéraires. Dès son deuxième texte, « La Dame de haute tour », le thème des pouvoirs psy apparaît : c’est la grande constance de son œuvre qui compte des cycles pour adultes et des séries pour jeunes. Plutôt que d’utiliser ce motif à des fins antitechnologiques, elle présente des personnages travaillant en synergie avec des machines. L’héroïne Helva, « la » cyborg dont le corps est un vaisseau spatial (« Vaisseau qui chantait »), constitue l’archétype des « femmes » fortes de McCaffrey qui représente la personnalité féminine aux multiples facettes.

L’auteure positionne la femme dans une relation de complémentarité avec l’homme, contrairement aux auteures de SF féministes plus « révolutionnaires » (Le Guin, Russ, Tiptree…) qui ont remis en question de façon plus radicale le rôle sexual de la femme occidentale. Cette complémentarité va s’exprimer par la figure du couple à travers une variété de métaphores qui s’articulent autour de la monture et du cavalier. Les figures du cheval ailé, Pégase, et des dragons constituent ainsi des symboles qui condensent les valeurs prônées par McCaffrey. Ces créatures associées à la liberté, à la force spirituelle et à la mère sont présentées de façon positive, tout comme « la » cyborg dont l’existence ouvre un questionnement sur la relation au corps, une thématique au cœur des œuvres de SF féministes des années 1970 et 1980.

L’anthologiste estime que l’œuvre d’Anne McCaffrey, sans avoir la flamboyance de celle des ses consœurs qui suivent, a fait preuve d’originalité en mettant les relations familiales au premier plan, en réhabilitant les pouvoirs psychiques envisagés comme une relation interdépendante monture/cavalier, l’esprit humain représentant le cavalier, en abordant par l’entremise de « la » cyborg le thème de la femme mutilée dans son corps par la technologie. La position de l’auteure sur ce dernier sujet a été critiquée par les féministes qui lui ont reproché l’aliénation durable de Helva mais Élisabeth Vonarburg considère plutôt qu’il s’agit d’une stratégie visant à désamorcer l’énorme puissance dont Helva dispose et que McCaffrey a su éviter le danger de l’aliénation totale, soit abandonner ce qui fait l’être féminin pour prendre ce qui fait l’être masculin. Rappelant que « le motif de la cyborg est encore aujourd’hui problématique dans l’imaginaire féminin », Vonarburg conclut que les réjouissantes ambiguïtés sous cet aspect dans l’œuvre d’Anne McCaffrey balisent les voix détournées de la libération féminine en gestation.

Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1993, Alire, p. 232-233.