Parution : Canadian Children's Literature/Littérature canadienne pour la jeunesse 41, Ottawa, 1986, p. 44-54.
D’entrée de jeu, Roger Bozzetto analyse la production québécoise de SF dans la littérature pour jeunes avant 1978. Il constate l’existence d’une tradition mais déplore la pauvreté thématique et stylistique de l’ensemble, attribuable, selon lui, au fait que « les auteurs qui écrivent cette SF pour enfants ignorent tout de la SF ». D’où l’avantage de Daniel Sernine qui, en outre, construit un monde imaginaire pour adultes dont il fait bénéficier les jeunes. L’unicité de l’œuvre de Sernine se vérifie par l’utilisation du monde d’Erymède (en SF) et du monde mi-imaginaire, mi-historique de Neubourg (en fantastique) dans ses œuvres destinées à l’un ou l’autre public.
Le critique français décèle dans le souci de Sernine de créer un univers cohérent plus qu’une simple habileté d’auteur. Bozzetto dégage des « configurations originales [...] porteuses de sens ». Il note que, dans les textes de SF, la fonction paternelle est incarnée de façon négative. La faiblesse ou l’inexistence du père conduit le héros à relever des défis, à lutter contre la dégradation/perversion de la fonction norme/ordre/intégration menacée par le refus du père de l’assumer. Dans les textes fantastiques, il remarque une recherche des racines qui a pour but de pallier l’absence de la mère, recherche qui conduit à la figure de la grand-mère, porteuse de rêverie et de nostalgie.
Bozzetto conclut que l’œuvre de Sernine est habitée par une « configuration qui dynamise en profondeur un certain nombre de conflits » propres aux adolescents de notre époque, et aux adolescents québécois en particulier, et dont la résolution esthétique traduit l’aspect contradictoire, la dualité du désir qui se manifeste chez l’auteur : d’une part, la nostalgie du passé, d’autre part, « le futur comme espoir d’ouverture devant l’impossibilité d’appréhender le présent en lui donnant un sens ».
Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1986, Le Passeur, p. 156.