Luc Pomerleau

Parution : Solaris 84, Hull, 1989, p. 45-49.

Luc Pomerleau constate dans cet essai que rares sont les auteurs de science-fiction québécois qui utilisent la science comme matériau indispen­sable dans leurs œuvres de fiction. Cette réflexion, dit-il, a été déclenchée par la lecture de trois essais sur la science, Future Magic de Robert L. Forward, A Brief History of Time de Stephen Hawking et What do You Care What Other People Think ? de Richard Feynman. Ces deux derniers ouvrages exposent comment les nouvelles notions sur le temps, l’espace et la mesurabilité de l’univers ont amené une nouvelle redéfinition de la pensée. Puis, l’auteur s’attarde longuement sur un essai polémique publié au Québec par Yvon Johanisse et Gilles Lane, La Science comme mythe

Les deux philosophes reprochent à la science son triomphalisme, l’inefficacité de ses moyens pour appréhender la réalité de l’Univers, son jargon inaccessible au commun des mortels, les lacunes que comportent ses théories et son ascendant sur le discours métaphysique au détriment de la philosophie. Pomerleau situe cette attitude négative envers la science dans le sillage d’une certaine révolte anti-scientifique alimentée par la contre-culture américaine des années 1970 et dont les chefs de file furent Paul Feyerabend, Theodore Roszak et Hubert Marcuse. Il rattache ce courant à celui de la « philosophie naturelle », très vivant au XIXe siècle, qui subordonnait la recherche de connaissances scientifiques à une préalable réflexion philosophique.

L’essayiste estime que l’ouvrage de Johanisse et Lane traduit assez bien le rapport qu’entretiennent les auteurs québécois de SF avec la science. Il l’explique par le fait que la SFQ compte très peu d’écrivains ayant une formation scientifique et par la place qu’occupe la science dans notre société et notre système d’éducation. Considérant que « la nature proprement littéraire de la SF est justement d’intégrer dans sa fibre même un commentaire méta-scientifique sous une forme littéraire », il analyse brièvement le contenu fictionnel d’imagine... 46 dont le thème était Sciences et technologies. Le constat initial qui a suscité sa réflexion ne change pas puisque seulement la moitié des nouvelles satisfont aux exigen­ces d’un véritable récit de SF, à son avis. Il déplore, en conclusion, l’indifférence des auteurs de SFQ envers la science et leur manque de rigueur quand, d’aventure, ils utilisent des notions scientifiques.      

Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1989, Le Passeur, p. 243-244.