Parution : imagine… 49, Montréal, 1989, p. 23-36.
Guy Bouchard se demande si la science-fiction d’Asimov est aussi misogyne que les auteures et les théoriciennes de SF le disent ou si elle transcende la division « raciale » qui partage l’humanité terrienne entre hommes et femmes. Malgré le caractère potentiellement révolutionnaire de la SF qui propose des paradigmes s’opposant à la réalité toute faite, l’essayiste constate, en considérant l’image des femmes qu’elle véhicule, que la SF américaine a été, du moins jusqu’en 1970, trop souvent conservatrice, voire même régressive. Trois modèles prédominaient : maintien de la femme dans son rôle traditionnel, égalité abstraite occultant les vraies questions et inversion des rapports entre les sexes qui donne naissance à des superfemelles dominatrices.
Ce contexte historique mis en place, le professeur de philosophie de l’Université Laval étudie les prises de position idéologiques d’Asimov dans ses écrits théoriques. Il conclut, à la suite de leur analyse, que l’attitude de l’écrivain américain demeure ambiguë à propos du rapport entre les femmes et la SF et que cette ambiguïté hante également ses récits. Bouchard s’attarde plus particulièrement aux personnages de The Gods Themselves, dont celui de Dia l’Émotionnelle, et vérifie, en fixant comme modèle idéal l’androgynie (condition qui n’assigne pas rigidement aux hommes et aux femmes des caractéristiques sexuales et des impulsions humaines typiques) si ces para-humains reproduisent l’androgynie. Il constate qu’il y a redistribution des fonctions liées à la reproduction mais les stéréotypes continuent de s’afficher sur les plans psychologique et comportemental.
Par ailleurs, la fusion des trois types de Fluides (la triade de personnages composée d’un Rationnel, d’un Parental et d’une Émotionnelle) constitue-t-elle « un mimodrame de l’androgynie contestant symboliquement la distinction entre masculinité et féminité » ? Bouchard croit que non car le Solide qui résulte de cette fusion n’est rien d’autre « qu’une hypostase de la raison masculine ». En somme, Asimov n’est pas un écrivain purement machiste mais sa position idéologique demeure certainement ambivalente.
Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1989, Le Passeur, p. 233.