Parution : Anthropologie et Sociétés, vol. 9, n˚ 1, Québec, 1985, p.13-31.
Luc Racine dégage d’abord les traits communs à toutes les formes d’état idéal de perfection sociale, qu’il s’agisse du mythe paradisiaque ou de l’utopie, qui constituent les deux pôles extrêmes de la typologie. Les plus marquants sont : a) absence de travail pénible, de souffrance physique et morale, longévité ou immortalité ; b) communication parfaite avec autrui (autres humains, animaux, êtres divins) qui implique souvent nudité et liberté sexuelle ; c) fonctionnement harmonieux des rapports sociaux, qui n’entraîne pas nécessairement un fonctionnement égalitaire. Mais le mythe se distingue de l’utopie par la localisation spatio-temporelle de l’état social idéal et par les moyens mis en œuvre pour y accéder.
La pensée utopique situe cet état (durable) dans un avenir rapproché, conçoit le temps comme linéaire et irréversible et utilise comme moyen d’y accéder la science, la technique et la rationalisation des rapports sociaux grâce aux agents humains. La pensée mythique est, au contraire, tournée vers le passé, met en jeu une conception cyclique du temps (d’où un état idéal temporaire) et s’appuie sur les rites et les cérémonies (mode d’accès symbolique) pour atteindre ce paradis toujours considéré comme un don des dieux et non comme une œuvre humaine.
Une fois cette typologie établie, Luc Racine analyse une nouvelle d’Howard Fast, « Les Premiers Hommes », tirée du recueil Au seuil du futur. Ce texte possède tous les traits propres à un état idéal de perfection sociale et les caractéristiques particulières qui le rattache à l’imaginaire utopique. Racine s’emploie à le démontrer en étudiant les moyens de réalisation de l’état idéal et la conception de l’espace et du temps.
Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1985, Le Passeur, p. 162.