Parution : imagine… 31, Montréal, 1985, p. 64-72.
Sophie Beaulé soumet comme prémisse que la mouvance sociale (trajectoire sociale généralement ascendante) constitue la première caractéristique réunissant les auteurs français de science-fiction. Cette mouvance provoque chez eux une « [...] conscience aiguë de leur déclassement par rapport à la société et au mainstream », les amenant ainsi à développer des stratégies de protection (réaction face à la culture légitime et à l’institution canonique) et de récupération (cohésion du milieu marginalisé).
Elle se penche plus particulièrement sur le statut du producteur français dans un moment de crise du champ culturel de la SF, c’est-à-dire entre 1977 et 1983. Au cours de cette période, l’émergence de la nouvelle science-fiction française (NSFF) bouleverse le portrait d’ensemble de ce champ culturel autonome. Les options de la NSFF, qui croit véritablement pouvoir changer la société, sont essentiellement négatives : « [...] elle rejette la SF classique, dénonce la mainmise idéologique de la production anglo-américaine et l’écriture bourgeoise. La SF doit désormais s’ancrer dans la réalité socio-historique française. »
Ce mouvement avant-gardiste profite de l’expansion du marché que connaît la SF en France au début des années 70. L’introduction de nouveaux auteurs modifie cependant le statut de l’écrivain. Puis, l’entreprise de légitimation du Fleuve Noir, qui veut attirer des écrivains consacrés comme Michel Jeury et Serge Brussolo, provoque la dissolution accélérée de la NSFF. Certains auteurs optent pour la professionnalisation, d’autres disparaissent ou migrent vers un autre champ culturel. L’après-NSFF entraîne une rareté des débouchés et, conséquemment, une dégradation de la situation sociale du producteur.
Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1985, Le Passeur, p. 150-151.