Parution : imagine… 80-81, Sainte-Foy, 1998, p. 162-175.
Comme le fantastique et la psychanalyse explorent souvent des territoires voisins, Frédérick Durand cherche à élaborer une grille de lecture qui permettrait d’expliquer celui-ci par celle-là. Avant de proposer un tel modèle d’analyse textuelle psychanalytique, il commente abondamment les travaux de Jean Bellemin-Noël sur le fantastique et de Freud sur l’inquiétante étrangeté. Il constate que, tout en s’inscrivant dans la lignée de Todorov qui préconise une approche formaliste du fantastique, Bellemin-Noël prend ses distances par rapport à son prédécesseur quand il est question de la fameuse « hésitation entre deux séries d’explications du phénomène insolite ».
Pour sa part, Durand propose la définition suivante du fantastique : « collision problématique entre une réalité quotidienne communément admise et une autre réalité, très différente et incompatible avec la première ». Pour Bellemin-Noël, quatre paramètres d’analyse permettraient de caractériser le fantastique : 1) le point de vue à partir duquel la fiction est donnée à lire (généralement un narrateur-protagoniste) ; 2) le type de narration utilisé (juxtaposition ou enchevêtrement de deux discours) ; 3) le statut de la description ; 4) le problème de l’écriture romanesque réaliste. Durand relève les failles et les contradictions de l’approche de Bellemin-Noël qui laisse échapper dans ses filets bon nombre de textes fantastiques. En outre, Bellemin-Noël ne saurait croire à un néo-fantastique puisqu’il souscrit à l’idée que le fantastique est mort et qu’il a été remplacé par la science-fiction.
La piste psychanalytique suivie par celui-ci s’avère cependant plus riche puisqu’il associe le fantastique « à une manifestation de fantasmes qui opéreraient d’une façon libératrice, gratifiante ou anxiogène (ou de toutes ces façons à la fois) ». Ce faisant, il rejoint l’analyse de Freud qui considère que « l’inquiétante étrangeté dérive de la vie psychique infantile ». Parmi les peurs enfantines majeures, Durand relève l’angoisse de la castration, la naissance, la mort et l’angoisse du huitième mois. Le voilà maintenant fin prêt à présenter les éléments d’une analyse psychanalytique de la fantasticité, éléments qui ont l’avantage d’être propres au genre fantastique et de conserver l’approche formaliste suggérée par Bellemin-Noël.
Premièrement, Durand considère comme essentiel de chercher l’élément déclencheur du fantastique (à quel moment le texte bascule-t-il dans le fantastique ?). Deuxièmement, il faut trouver de quelles angoisses le texte littéraire est porteur. Troisièmement, comme l’inquiétante étrangeté traduit un accès névrotique bénin en rapport avec un refoulé qui revient pour fasciner, terroriser ou séduire, il faut découvrir ce que l’élément fantastique symbolise. Quatrièmement, Durand suggère de partir de la liste des angoisses infantiles et d’en relever les traces dans le texte. L’auteur de l’étude teste ensuite avec succès son approche sur un texte de Jean-Pierre Andrevon, « L’Habitant de l’immeuble d’en face ».
Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1998, Alire, p. 199-200.