Parution : Solaris 97, Hull, 1991, p. 31-34.
À la faveur d’un dossier consacré à la science-fiction en France dans ce numéro de Solaris, Pomerleau et Sirois se penchent sur l’accueil réservé à la science-fiction française (SFF) aux États-Unis. Un survol des diverses tentatives de pénétration du marché américain au cours des trente dernières années, par l’entremise des revues ou de l’édition de livres, les amène à conclure qu’elles se sont toutes soldées par un échec. La principale cause de cet échec est attribuable, selon eux, au fait que la science-fiction américaine (SFA) est « une forme de religion universelle » et que comme telle, « elle ne souffre pas l’hérésie ». Les auteurs rappellent que la SFA s’est nourrie de Jules Verne, puis plus tard, de la conception de Campbell qui repose sur la conviction que la « technologie permet d’asservir la nature et donc de lui donner un sens ».
La SFA étant de ce fait une science-fiction de combat, les Américains considèrent comme une véritable hérésie les SF nationales, dont la SFF, qui, s’inspirant du doute instillé par H.G. Wells, perçoivent la science comme un instrument de destruction du monde et cultivent l’échec de la science comme idéal. Plus récemment, la révolution stylistique opérée par Heinlein qui se caractérise par une tendance au « réalisme » n’a pas permis d’ébranler l’idéologie dominante fondée sur la technologie puisque le personnage emblématique de ce réalisme, l’Homme Compétent, incarne le credo de la SFA.
Les duettistes signalent que certaines voix discordantes se sont exprimées aux États-Unis mais que leur succès a été très relatif. Ils croient aussi que la doctrine n’explique pas à elle seule le succès de la SFA et que celui-ci est lié à une pratique d’écriture qui met les outils littéraires au service du récit. Chez les auteurs français, c’est plutôt l’inverse qui se produit. Pomerleau et Sirois concluent qu’en raison du triomphe mondial de la SFA, les SF nationales sont condamnées à se définir par opposition au modèle américain.
Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1991, Logiques/Le Passeur, p. 205-206.