Parution : Sociologie et Sociétés, vol. XVII, n˚ 2, Montréal, 1985, p. 91-107.
Cette étude fait suite en quelque sorte à celle qui a paru dans Anthropologie et Sociétés sous le titre « Du mythe à l’utopie. Éclaircissements typologiques et analyse d’un cas particulier ». Luc Racine établit d’abord la distinction entre la représentation symbolique du temps propre au judéo-christianisme et celle partagée par les civilisations primitives ou archaïques. Dans le premier cas, le temps est linéaire et irréversible et l’avenir est valorisé. Dans le second cas, le temps est cyclique et son passage est négativement valorisé, ce qui nécessite un retour périodique et régénérateur à l’origine. Dans chaque cas toutefois, la figure de l’enfant est étroitement liée à la conception du temps : force réjuvénante et renouveau chez les sociétés fondées sur les mythes du paradis ou de l’âge d’or, gage de la continuité et de l’espoir en un futur meilleur chez les sociétés judéo-chrétiennes.
Par la suite, Luc Racine compare longuement le roman de H.G. Wells, La Machine à explorer le temps (1893-1894) et la nouvelle de Howard Fast, « Les Premiers Hommes » (1962). Le premier se rattache à l’anti-utopie et élabore « une vision extrêmement négative de l’avenir et du peuple-enfant qu’on y découvre ». Le second participe d’une démarche utopique et présente « du futur comme de l’enfance qui en est porteuse une image prodigieuse ». En mettant en parallèle la représentation de la figure enfantine et la conception du temps linéaire chez les deux auteurs, Racine montre que toute la différence se situe dans le fait que chez Wells, le temps est réversible alors que chez Fast, il est irréversible. En conclusion, l’essayiste estime que ces deux récits s’opposent de façon exemplaire, « comme si les deux écrivains s’étaient l’un l’autre contredits en un dialogue transtemporel ».
Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1986, Le Passeur, p. 268-269.