Parution : Le Roman québécois au féminin (1980-1995), Montréal, Triptyque, 1995, p. 47-56.
Comment Coquillage (1985) et L’Espace du diamant (1990) inscrivent-ils la transgression véhiculée par le surnaturel ? Coquillage propose certes un merveilleux à la fois exotique pour son espace et « hyperbolique » – ne s’apparente-t-il pas aux Contes des mille et une nuits ? Mais Gabrielle Pascal s’appuie sur la réflexion de Charles Nodier et celle de Tzvetan Todorov pour mieux explorer la transgression favorisée par le surnaturel, car celui-ci permet de briser un système de règles préétablies et, surtout, la logique. Le surnaturel se déploie surtout avec le nautile de Coquillage, qui fait l’éloge de la différence et transforme chez les personnages les notions d’amour et du bonheur. De son côté, L’Espace du diamant, bildungsroman riche pour sa mythologie et son caractère polyphonique, met de l’avant la responsabilité civique et nationale des personnages. Les personnages féminins s’y montrent particulièrement liés au surnaturel et, ce faisant, à la transformation. Ici encore, le surnaturel sert la rébellion contre les systèmes qui entravent la libération.
Rochon présente ainsi une « morale spirituelle à connotation féministe ». On le voit par exemple dans la déconstruction des dualismes entre les sexes ; le nautile de Coquillage est hermaphrodite, tandis que L’Espace du diamant prône l’amour de la différence pour effacer la binarité rattachée aux attributs masculins et féminins.
Deux apartés méritent mention. Pascal compare d’abord les personnages des romans rochoniens aux héros d’André Langevin, presque tous orphelins réels ou symboliques. Elle rapproche ensuite la légende de la reine Suzanne (L’Espace du diamant) des œuvres d’écrivains du XIXe siècle qui ont pratiqué le merveilleux, tels Gérard de Nerval et E. T. A. Hoffmann.
Source : Beaulé, Sophie, L'ASFFQ 1995, Alire, p. 219-220.