Parution : Misogynie, sexisme, féminisme : images ambiguës, Les Cahiers du Grad 3, Sainte-Foy, Université Laval, 1989, p. 193-212.
Guy Bouchard se propose dans cet essai d’analyser « le problème des rapports entre esthétique et féminisme » en prenant comme modèle d’étude le roman d’Ursula Le Guin, The Left Hand of Darkness. Après avoir situé cette œuvre qui présente une société d’êtres androgynes et avoir rappelé l’importance de Le Guin comme auteure de SF, Bouchard résume les critiques sévères adressées à l’auteure par les féministes. On lui a reproché l’utilisation du pronom générique « il » pour désigner les êtres hermaphrodites de Gethen et la caractérisation des personnages. Dans les deux cas, Bouchard démontre que Le Guin a fait le choix du principe esthétique sans renier totalement le principe idéologique. Le principe idéologique commandait en effet, pour contourner le piège linguistique du pronom générique « il », l’invention d’un pronom neutre afin de mieux rendre l’androgynie des habitants de Gethen. Le Guin s’y refuse, préférant l’efficacité narrative.
Par ailleurs, l’utilisation d’un narrateur mâle culturellement conditionné lui a valu d’être accusée de misogynie et d’être présentée comme « un paradigme de l’identification masculine ». Le Guin admet une faiblesse au niveau de la caractérisation des personnages mais son choix esthétique est dicté par le fait qu’elle conteste « la prémisse du féminisme radical selon laquelle la source de toute injustice serait d’ordre sexual ». Bouchard estime que ce roman de Le Guin constitue malgré tout le plus bel exemple d’une tentative de concilier imagination et idéologie.
Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1989, Le Passeur, p. 233-234.