Parution : Les Voies du fantastique québécois, Québec, CRELIQ, Nuit blanche éditeur, coll. Séminaire n˚ 3, 1990, p. 141-160.
Lise Morin se livre dans cet essai à une analyse des formes de l’expression et des formes de contenu afin de dévoiler les mécanismes qui donnent à la nouvelle d’Andrée Maillet, « Les Doigts extravagants », son caractère fantastique. Son étude s’appuie à la fois sur les travaux du Groupe d’Entrevernes et sur les recherches de Marie Francœur et de Louis Francœur. Elle se penche d’abord sur les formes de contenu en faisant ressortir le « schéma narratif » à l’œuvre dans la nouvelle de Maillet : enracinement du récit dans le réel, infiltration d’agents perturbateurs, fatalité fantastique qui s’exerce sur le personnage-victime et réel agrandi. Elle scrute aussi les programmes narratifs afin de dégager une lecture syntagmatique du récit qui lui permettrait « de déceler comment une organisation narrative dégage un sens fantastique ». Utilisant les notions de sujet modalisateur et de sujet opérateur, Lise Morin analyse le rôle respectif de l’héroïne, des doigts et de l’homme (inconnu).
Puis elle s’attache aux formes de l’expression utilisées par Andrée Maillet pour influencer le lecteur et attester dans son esprit la présence bien réelle de la créature fantastique. Elle relève ainsi la présence de déterminants déictiques d’ordre temporel et spatial de même que l’abondance des pronoms personnels de première et de seconde personne et des adjectifs qualificatifs évaluatifs qui dénotent une subjectivité discursive. Par contre, le texte compte peu d’éléments d’organisation logique discursive, et l’instance d’énonciation recourt très peu aux procédés rhétoriques (comparaison, métaphore). Elle termine son essai par une analyse des signaux de la métacommunication qui révèle un changement dans le temps des verbes. Ce glissement progressif du monde raconté (attitude de réception détendue attribuable à la distanciation vis-à-vis de ce qui est narré) vers le monde commenté (attitude de réception tendue alimentée par les commentaires de l’instance d’énonciation) est capital dans l’économie de la nouvelle, estime Lise Morin, parce qu’il amène le lecteur à s’identifier à l’héroïne.
Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1991, Logiques/Le Passeur, p. 202-203.