James Herlan

Parution : Revue d'ethnologie du Québec 6, Montréal, Leméac, 1977, p. 23-35.

James Herlan se propose dans cet article de cerner le fantastique propre aux contes de chantier en analysant certains textes d’Honoré Beaugrand et de Louis Fréchette. Il commence par situer le conte dans son contexte en rappelant que les conditions de vie des forestiers (terme qui regroupe le coureur des bois, le chasseur et l’homme de chantier) ne sont pas les mêmes que celles du cultivateur. Puis il relève trois éléments communs à ces contes : l’alcool (dont la consommation est aussi répandue chez les personnages des contes que chez le conteur et ses auditeurs), la présence d’un rituel qui accompagne la narration et l’effet d’atténuation ou d’euphémisation qui concourt à réduire la menace satanique en la présentant sous forme de diablotins.

En s’inspirant de la théorie de Gilbert Durand qui considère l’alcool comme une boisson sacrée reliée aux schèmes du renouvellement et au symbolisme de l’arbre, Herlan constate que les trois éléments identifiés précédemment évoquent tous la religion. L’acte même de conter s’apparenterait donc à une sorte de culte spécial. Ainsi, alors que les sédentaires ont la possibilité d’assister à la messe tous les dimanches, les forestiers auraient pallié ce manque en créant le conte fantastique en tant que drame liturgique. Leurs conditions de vie pénibles les inci­teraient toutefois à privilégier une « religion forestière » relativement atténuée, d’où la récurrence des diablotins (des diables euphémisés) et la représentation du diable qui n’échappe pas à cette euphémisation.                                                            

Source : Janelle, Claude, Le XIXe siècle fantastique en Amérique française, Alire, p. 236.