Parution : Solaris 98, Hull, 1991, p. 55-58.
Affirmant d’entrée de jeu qu’il n’est pas un théoricien du fantastique, Gilles Pellerin est pleinement conscient que cet essai ne sert « qu’à baliser une des problématiques du fantastique ». Cette problématique de la dislocation s’appliquerait uniquement à la partie du domaine où l’indécision constitue l’essence du fantastique, ce qui exclut tout un pan regroupant des œuvres mettant en scène des vampires, des monstres et des êtres indicibles par lesquels la littérature fantastique s’est constituée. Pellerin note que la dislocation première est syntaxique dès lors que le protagoniste est narrateur. L’alcool joue un rôle catalyseur en générant d’incontestables distorsions spatiales, en favorisant l’émergence d’une réalité diffractée. Le motif du miroir peut aussi jouer ce rôle de déclencheur mais celui-ci n’est pas indispensable à l’apparition du fantastique.
L’auteur donne l’exemple d’une nouvelle de Claude Mathieu, « Le Repaire de l’oncle Gustave », dans laquelle l’ordre établi est perturbé par « le transfert inopiné d’un élément caractérisé dans un lieu autre que le sien ». Il en résulte des régimes d’opposition : le vertical et l’horizontal, le proche et le lointain, la solitude et la foule, et de cet échange de valeurs, grand producteur de dislocations, surgit l’inquiétante étrangeté propre au rêve dont se nourrit aussi le fantastique. Pellerin affirme que cette dislocation est également perceptible dans l’organisation narrative des actions et que la stylistique pourrait être d’une grande utilité en permettant d’identifier dans les axes sémantiques des figures (la synecdoque et la métonymie, notamment) porteuses de fantastique.
Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1991, Logiques/Le Passeur, p. 204.