Parution : Europe 707, Paris, 1988, p. 105-113.
Réédition : Phénix 40, Racour (Belgique), Lefrancq, 1996, p. 17-26
Dès les premières lignes de son étude, Élisabeth Vonarburg rappelle les diverses réalités que recouvre le terme fantasy en anglais et les multiples étiquettes (Science Fantasy, Heroic Fantasy, Sword and Sorcery, Sex and Sorcery) qui ont proliféré pour traduire toutes ces nuances. Elle définit la fantasy, qui prend sa source dans le mythe et dont les origines sont anglo-saxonnes, comme « un univers où la surnature existe en continuité avec la nature (sous les espèces de la magie, “blanche” et “noire”) et où règne une atmosphère plus ou moins archaïsante ».
Elle montre que le statut de la magie donne lieu à deux registres fort différents qui ont été élaborés par Gilbert Durand. Le régime héroïque diurne, aussi appelé schizomorphe, se caractérise par l’antithèse, les grandes oppositions binaires, un dualisme diamétral. Dans ces récits dont Conan le Barbare et ses épigones servent de points de référence, le héros est dépourvu de pouvoirs surnaturels et doit utiliser sa force physique pour vaincre cette magie ayant un statut négatif.
Quant au régime nocturne, il se subdivise en deux branches : le régime mystique nocturne et le régime synthétique nocturne ou oxymoronique. On les retrouve dans la High Fantasy qui représente « un univers de savoir ordonné selon un principe d’équilibre assez voisin de celui du Tao ». La magie y est présentée comme une « science naturelle » qui obéit à des lois qui sont celles de l’éthique. Les œuvres de Le Guin appartiennent à cette catégorie, plus particulièrement au régime synthétique nocturne qui se distingue par des « structures intégrant le temps et le changement (la mort) dans un processus dramatique qu’on est tenté d’appeler “dialectique” ».
Parce que la fantasy tend à la création d’un univers mythique (un non-lieu) qui n’a souvent rien à voir avec le passé historique des peuples et le monde empirique du lecteur et parce qu’elle cultive la nostalgie d’un âge d’or perdu (qui introduit la récurrence des sociétés de type archaïque), Élisabeth Vonarburg avance que le mouvement d’invention dans celle-ci est identique à celui de l’utopie.
Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1988, Le Passeur, p. 200.