Parution : Actes, premier colloque de bande dessinée de Montréal, Montréal, Analogon, 1986, p. 213-224.
À partir d’un récit de Lovecraft, « L’Appel de Cthulhu », publié en 1928 et de l’adaptation de ce texte en BD par le dessinateur Alberto Breccia et le scénariste Norberto Buscaglia en 1973, Michel Lord analyse la technique de la focalisation qui contribue grandement à la constitution de l’esthétique fantastique. Cette technique de narration présente l’avantage d’être opératoire dans tous les arts de la représentation, donc en littérature et en BD. Il convient cependant de distinguer cette problématique de la focalisation (le point de vue, celui qui voit) de celle de l’instance narrative (celui qui parle) même si elles sont souvent intimement confondues dans le récit fantastique.
Au départ, le théoricien définit la focalisation comme « une restriction du champ de la vision à partir d’un foyer de narration, foyer habituellement situé dans le regard ou la conscience d’un personnage ». La focalisation est interne si elle propose une vision du dedans de la conscience du personnage focalisateur (le je) ou une vision avec tel personnage qui impose sa perception (le il). La focalisation est externe quand les choses sont racontées de l’extérieur. Cette vision du dehors ne permet pas au lecteur d’entrer dans la conscience des personnages qui agissent dans le récit.
Enfin, il y a absence de focalisation quand le narrateur est omniscient, technique peu usuelle en fantastique. Cela étant établi, Michel Lord entreprend de démontrer, à travers le récit de Lovecraft et la BD en 11 planches de Breccia, que le changement de focalisation, « l’immixion d’un narrateur externe dans les visions des personnages focalisateurs » instaure ainsi une rupture qui constitue la spécificité du texte fantastique.
Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1986, Le Passeur, p. 1667-167.