Parution : XYZ 48, Montréal, 1996, p. 69-93.
Dès l’amorce de son essai, Michel Lord souligne la diversité de l’œuvre nouvellistique d’André Carpentier qui aborde tour à tour le fantastique, le polar, le réalisme, le surnaturel, l’humour… Ce vaste « spectre des possibles esthétiques » laisse pourtant voir des « séries obsessionnelles, des signes qui traversent son écriture de part en part ». Ainsi se dessine de façon récurrente « la figure de la réduction du monde en poussière(s) ou du personnage à néant », narrateurs et acteurs fonçant « tête baissée dans le labyrinthe du monde à la recherche d’un minotaure impossible ». L’essayiste voit dans la fragmentation discursive chez Carpentier (par exemple : récit construit comme un puzzle, confrontation des voix répercutée par l’utilisation du dialogisme) une illustration scripturaire de ce qui guette ses protagonistes. Il va même jusqu’à établir un lien avec le parcours professionnel marqué de ruptures de l’auteur en évoquant son curriculum vitae et le fait que cohabitent en lui trois êtres distincts : le responsable littéraire (anthologiste, promoteur de la nouvelle), l’écrivain et le professeur.
Après avoir survolé la production d’André Carpentier en faisant valoir la grande part d’invention à l’œuvre chez lui et l’« étoilement » de son discours par l’utilisation de divers procédés narratifs, dont la mise en abyme de la littérature, Lord analyse en profondeur deux nouvelles, « Le Vol de Ti-Oiseau » et « La Première Mort d’Auguste Fabre, poète, né à Saint-Agathe en 1929 ». Il s’applique à mettre en lumière « les intrications des diverses séries topiques » qui structurent son discours. Il conclut en comparant la forme des nouvelles de Carpentier à un labyrinthe dans lequel se joue « un va-et-vient étourdissant entre un passé qui échappe à l’acteur et un futur problématique qui mène à l’effritement du “réel” ». Pour Carpentier, la fragmentation constitue le principe générateur de la nouvelle, ce que s’emploie à démontrer l’essayiste en scrutant ses stratégies discursives.
Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1996, Alire, p. 228-229.