Parution : Images féministes du futur, Les Cahiers du Grad 6, Sainte-Foy, Université Laval, 1992, p. 115-127.
Face à la maternité, le discours féministe adopte deux positions extrêmes : soit qu’il exprime une critique radicale de la maternité perçue comme instrument de l’oppression féminine, soit qu’il se lance dans une glorification de la maternité comme pouvoir absolu que détiennent les femmes. Si l’utilisation des nouvelles technologies de reproduction permet de sortir de cette dichotomie, elle fournit l’occasion aussi d’envisager une façon radicale de remplacer la cellule familiale traditionnelle. C’est là que, pour l’essayiste, se situe l’intérêt exceptionnel du roman de Mary Staton, From the Legend of Biel. Pour y arriver, il s’agit de repenser le processus éducatif qui repose sur la relation parent/enfant et même, au préalable, abolir la filiation biologique qui se crée au moment de la reproduction.
Staton imagine une relation basée non pas sur la domination ou l’imitation, mais sur la notion de mentor, fonction assumée par tous les membres de la collectivité qui le désirent. Elle endosse ainsi l’idéologie de Firestone en refusant la portée strictement modélisante de l’éducation qui transmet ses modèles comportementaux et ses savoirs par l’entremise de la cellule familiale. Elle préconise plutôt une mise en commun des expériences individuelles qui affranchira l’individu « des préjugés inhérents à un modèle social fixe et univoque ». Elle reconnaît que cet apprentissage de la souveraineté peut être ardu mais elle est convaincue que cette mutation est nécessaire pour que l’individu réalise « ses possibles ontologiques ».
C’est donc sous l’angle de l’éducation et de la reproduction mais aussi en questionnant la notion de progrès que l’utopie de Staton propose une réorganisation de la réalité sociale humaine. En privilégiant le développement de l’individu humain, seul garant d’une société ouverte et équilibrée, elle annonce une mutation considérable : « le passage d’une idéologie culturelle du progrès à une idéologie individuelle. »
Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1992, Alire, p. 229.