Parution : Les Voies du fantastique québécois, Québec, CRELIQ, Nuit blanche éditeur, coll. Séminaire n˚ 3, 1990, p. 161-178.
Stanley Péan s’intéresse dans cette étude à un des sous-genres du fantastique, le fantastique maléfique, en raison de sa propension « à devenir le lieu propice de l’expression d’une sensibilité perverse et anarchique qui subvertit l’ordre établi de la réalité par la transgression des tabous ». Mais avant d’aborder dans cette perspective la lecture du conte intitulé « Le Sac » d’Yves Thériault, il définit le fantastique (« une forme d’expression artistique qui propose des représentations fictives d’un réel où les lois de la plausibilité scientifique sont violées ») qu’il classe en quatre catégories : le fantastique épique (heroic fantasy), le magique (auquel il rattache la ghost story humoristique et le réalisme magique latino-américain), l’insolite (la forme la plus moderne, la plus intellectuelle du genre fantastique en raison du caractère arbitraire de l’intrusion de l’irréductible implausibilité) et le fantastique maléfique. Ce dernier se fonde sur la terreur, l’horreur surnaturelle et véhicule dans son discours la notion de manichéisme.
En s’appuyant sur la méthode de Sartre, endossée par la suite par Robert Escarpit, Péan analyse « Le Sac » en le situant dans son contexte social, au moment de sa première parution (1944). Il fait voir comment ce texte transgresse la morale de l’époque par son illustration de la perversité, par sa représentation de la nature et par son expression du désir refoulé. Mais pour que le texte de Thériault puisse être considéré comme fantastique, il est nécessaire, croit l’essayiste, de ne pas l’isoler du recueil car les quatre autres récits qui mettent en scène le même personnage permettent de valider la réalité de l’irréductible implausibilité sans laquelle Mathieu ne serait qu’un fou ou un psychopathe.
Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1991, Logiques/Le Passeur, p. 203.