Parution : imagine… 65, Sainte-Foy, 1993, p. 11-59.
Guy Bouchard examine l’ensemble des documents – commentaires critiques ou articles théoriques parus dans les journaux, périodiques ou livres – publiés au Québec de 1960 à 1984 qui traitent de la science-fiction en général et de la SFQ en particulier. Il divise cette enquête minutieuse en cinq périodes de cinq ans, la majeure partie des 226 documents d’intérêt génologique (60,17 %) étant concentrée dans la dernière période (1980-1984). Il note que les préoccupations pour la théorie pure ne débutent qu’au cours de la période 1975-1979, tout comme l’évocation d’une éventuelle SFQ. Est-ce que cette prise de conscience correspond pour autant à la naissance de la SFQ ? Les opinions divergent à ce sujet, certains commentateurs faisant remonter son origine à la fin du XIXe siècle avec la parution de Pour la patrie de Jules-Paul Tardivel, d’autres à la création de Requiem/Solaris en 1974, d’autres encore au début des années 1980.
De même, l’origine de la science-fiction comme telle oppose les tenants de l’ancienneté du genre et les adeptes de la modernité, rangés respectivement derrière L’Épopée de Gilgamesh (époque sumérienne) et Frankenstein (1818) de Mary Shelley. Bouchard ne prend pas parti mais invite cependant les chercheurs à considérer la littérature populaire en fascicules qui foisonne au Québec entre 1941 et 1968 – qui comprend des séries présentant des enclaves expressément science-fictionnelles – et la science-fiction pour jeunes avant de conclure hâtivement à la naissance de la SFQ au milieu des années 1970. Il y a une différence, suggère-t-il, entre prendre conscience de son existence et l’acte de naître.
Outre la question de l’origine du genre au Québec, l’essayiste passe en revue les définitions de la science-fiction qui ont été proposées au fil des ans par de nombreux commentateurs et par quelques universitaires ou théoriciens de la littérature. Les principaux intervenants qui ont tenté de cerner le genre, soit par des définitions internes, soit par comparaison, sont Jean-Marc Gouanvic, Darko Suvin, Élisabeth Vonarburg, Guy Bouchard, Gilbert Maggi et Marc-André Brie. Bouchard synthétise leurs propos, expose la concordance ou la divergence de vue entre leurs différentes définitions, voire leur incompatibilité, et fait ressortir les apories qui invalident certaines propositions.
Au terme de l’exercice surnage un certain nombre de concepts ou de sèmes susceptibles de servir de fondement au genre, soit la conjecture rationnelle, la distanciation cognitive, la poétique de l’altérité, l’anticipation et la technologie. Au passage, l’essayiste considère, à travers le discours des divers spécialistes, les rapports qu’entretient la science-fiction avec d’autres formes romanesques non réalistes comme le fantastique, l’utopie, l’uchronie, l’opéra galactique, le mythe, l’heroic fantasy. Ainsi, pour les uns, la science-fiction est née de l’utopie tandis que pour d’autres, l’utopie est le « sous-genre socio-politique de la science-fiction ». Bref, Guy Bouchard conclut qu’il est présomptueux de proposer une définition claire et concise de la science-fiction qui tient compte de tous les sous-genres que le terme « science-fiction » recouvre, d’autant plus que l’hybridation des genres complique la situation.
Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1993, Alire, p. 212-213.