Parution : U•Topos et les tiroirs de l'utopie, Matane, Galerie d'Art de Matane, 1987, p. 80-88.
L’auteur de cette étude, qui constitue un premier aperçu de la recherche menée par le groupe de l’UQTR sur le corpus de la SFQ, se demande d’entrée de jeu quel est le statut du savoir scientifique dans les œuvres de SF. Il identifie quatre utilisations possibles : 1) La science constitue le sujet réel du récit, comme c’est le cas dans les récits de vulgarisation scientifique (hard science) ; 2) La science peut être un gadget qui joue le rôle de make believe et représente, de ce fait, un élément important de la vraisemblance du texte et de la stratégie de persuasion ; 3) La science, considérée ouvertement comme moteur du changement historique, met en lumière les effets qu’elle a sur la société ; 4) La science constitue un instrument de satire et de critique sociale directes. Cette fonction, pour l’auteur, est si importante en SF qu’il en fait l’un des topoï fondamentaux du genre.
Ces distinctions étant faites, Jean-Marc Gouanvic se penche sur les représentations imaginaires du savoir scientifique dans la SFQ. Aux extrêmes se situent la haine ultramontaine, exprimée dans Pour la patrie de Jules-Paul Tardivel, à l’égard de la science perçue comme la concurrente directe de la religion et la reconnaissance des enjeux sociaux de la science et de la technologie dans le roman de Pierre Billon, L’Enfant du cinquième Nord. La majorité des œuvres toutefois adoptent une position intermédiaire qui reflète diverses nuances de craintes. Jean-Marc Gouanvic s’attarde longuement sur le roman de Guy-René de Plour, Défricheur de hammada, qui incarne à ses yeux, de façon très riche, les rapports ambigus que la SFQ entretient avec la science.
Cette utopie manifeste une polarisation idéologique entre le religieux et le temporel. En effet, elle reconnaît l’importance de la science et de la technologie tout en les concevant comme coupées du socius. Résultat : une utopie ultramoderne dans un cadre social archaïque fondé sur l’organisation familiocratique. Gouanvic estime que ce roman-charnière marque un point de non-retour puisqu’il n’est plus possible désormais, au Québec, de parler sérieusement de mieux-être social sans tenir compte de la science et de la technologie.
Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1987, Le Passeur, p. 207.