Parution : L'Action nationale, vol. LXXXI, n˚ 3, Montréal, 1991, p. 380-399.
Michel Lord rappelle que la littérature fantastique a commencé à émerger au Québec vers 1960 et qu’elle s’est faite le témoin privilégié des changements socioculturels de l’époque. Il situe cette éclosion dans le mouvement universel du retour au magique. Si le fantastique québécois accède alors à l’universalité en s’alimentant aux sources des grandes traditions européennes et à la veine latino-américaine, Michel Lord est d’avis qu’il a su préserver aussi sa spécificité québécoise. « Les œuvres fantastiques québécoises actuelles répondent à une double nécessité : exhiber une appartenance au monde actuel (troublé) en y inscrivant un discours individué. » Il croit que cela est attribuable au fait que l’identité culturelle de l’écrivain québécois est constamment menacée par la culture anglophone qui l’entoure.
Par ailleurs, l’essayiste explique l’essor du fantastique au Québec depuis une dizaine d’années par la convergence de deux facteurs : « l’un, écologique et politique (la conscience du caractère improbable de l’avenir de la Terre, et donc du Québec), l’autre, artistique et pragmatique (la pratique d’un genre du discours qui problématise précisément la rencontre du probable et de l’improbable). » Il note aussi que le fantastiqueur québécois pratique le métissage des discours (mélange des thèmes et des formes), ce qui le situe en pleine attitude postmoderne.
Puis, il se penche plus particulièrement sur l’œuvre d’André Carpentier et d’André Berthiaume, deux nouvellistes dont la démarche est exemplaire de cette volonté d’illustrer la problématique de l’osmose des « réels ». Après avoir survolé rapidement la production romanesque fantastique et souligné son opulence et son baroquisme, Michel Lord termine en relevant une particularité surprenante parce que paradoxale qui se manifeste régulièrement dans le discours fantastique québécois : la coexistence d’un certain humour et du sens du tragique.
Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1991, Logiques/Le Passeur, p. 198-199.