Parution : Francophonies d'Amérique 5, Ottawa, 1995, p. 189-207.
Réédition : Contes de Jos Violon, Montréal, Guérin, 1999, p. I-XXXIII.
Aurélien Boivin consacre cette étude au personnage coloré de Jos Violon, le célèbre conteur inventé par Louis Fréchette à l’œuvre dans huit contes. On apprend ainsi que Jos Violon aurait réellement existé et qu’il s’appelait en réalité Joseph Lemieux. Fréchette l’aurait connu quand il était enfant et à une époque où son futur modèle de conteur était déjà trop vieux pour monter dans les chantiers.
Après cette entrée en matière sur l’origine du personnage, Boivin analyse l’art du conteur et constate qu’il procède toujours de la même façon. D’abord, Jos Violon « ne raconte jamais sans soumettre ses auditeurs à un rituel sacré, savamment orchestré » : énoncé d’une formule magique, lampée de rhum, toussotement pour s’éclaircir la voix, allumage d’une pipe, etc. Il prend toujours soin de situer son histoire, dans le temps (un temps relativement éloigné de ses auditeurs) et dans l’espace (un lieu concret identifiable sur une carte mais que ceux qui font cercle autour de lui n’ont, pour la plupart, jamais visité).
Profondément moralisateur, Jos Violon ne se gêne pas pour faire ressortir la déviance de celui dont il raconte l’histoire et pour le transformer en antihéros. Tipitte Vallerand, Tom Caribou, Coq Pomerleau, Titange, Fifi Labranche, tous ces personnages qui se conduisent mal à un moment ou l’autre de leur vie, perdent leur dignité d’homme et se trouvent diminués physiquement ou moralement à la fin du récit. Boivin fait aussi voir le côté pédagogue de Jos Violon quand celui-ci renseigne son auditoire sur la vie des voyageurs ou sur l’organisation sociale du chantier.
Que ce soit pour faire réfléchir (en enseignant le bien et en réprimant le mal) ou pour plaire à son public, le conteur s’en remet à quelques procédés infaillibles qu’il maîtrise à la perfection : la comparaison qui provoque souvent le rire, les jeux de mots, la déformation de mots, l’humour, l’exagération, l’ironie. L’essayiste conclut que les contes de Jos Violon constituent les meilleures réussites formelles du genre, au XIXe siècle québécois, voire même au XXe siècle.
Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1995, Alire, p. 206-207.