Parution : Actes du 43e congrès de l'ACFAS, Montréal, 1976, p. 49-53.
En première partie, Jeanne Demers présente la grille d’analyse, inspirée des travaux de Genette, que Lise Gauvin et elle-même s’affairent à développer et qui repose notamment sur l’hypothèse de la sur-écriture du conte écrit. L’essayiste distingue d’abord le conte écrit du conte oral en étudiant de près la notion d’auditoire, fondamentale dans le conte oral puisque la relation entre le conteur et l’auditoire qui forme cercle autour de lui en constitue l’essence même. Les moyens paralinguistiques du conteur – gestes, mimique, intonation, etc. – ne peuvent pas tous trouver une équivalence dans le conte écrit malgré la fidélité de la transcription. Cette re-création suscite la présence d’un certain nombre de procédés qui entraînent une sur-écriture se manifestant notamment par la multiplication, jusqu’à l’exagération parfois, de signaux qui le présentent comme conte.
En deuxième partie, Lise Gauvin applique cette grille encore à l’étape de l’expérimentation à la lecture de quatre contes de Pamphile LeMay regroupés sous le titre « La Maison hantée » dans le recueil Contes vrais. Gauvin montre comment l’utilisation de différents procédés d’écriture dans les trois premiers récits – formule redondante, points de suspension, apostrophes au lecteur, interjections d’atmosphère – et le caractère mystérieux ou énigmatique des titres contribuent à la fermeture du cercle. Elle met ensuite en lumière la façon dont LeMay, dans le dernier récit, « Sang et or », recrée la fermeture du cercle en utilisant d’autres procédés narratifs qui font en sorte que le cercle « devient physique, puisqu’il s’agit alors d’une représentation du conteur et des écoutants, et même mythique, à cause du cérémonial mis en œuvre ». Lise Gauvin aborde aussi les modes de prise de parole en interrogeant le statut de celui qui parle.
Elle en conclut que l’accréditation du conteur « influe non seulement sur le cadre, les circonstances et le contenu du récit, mais également sur le mode de discours utilisé ». Celui-ci, qui rend compte de la relation qu’établit le narrateur avec le lecteur, jouerait ainsi un rôle déterminant dans la distinction des types de contes, croient les deux collègues.
Source : Janelle, Claude, Le XIXe siècle fantastique en Amérique française, Alire, p. 226-227.