Georges Desmeules

Essai. Québec, L'instant même, 1997, 204 pages.

Comme l’indique son titre, cet essai présente les liens qui unissent l’humour à la littérature fantastique. Pour ce faire, deux modèles d’analyse distincts sont d’abord mis côte à côte. Dans le premier chapitre, le célèbre ouvrage de Tzvetan Todorov est mis à contribution, après les quelques retouches d’usage : l’hésitation d’au moins un personnage, ne serait-elle que temporaire, devient une condition obligée pour confirmer l’appartenance du récit en question à la grande famille fantastique. Dans le deuxième chapitre, une approche théorique de l’humour est proposée à partir des travaux de Sigmund Freud, Umberto Eco, Denise Jardon et Dominique Noguez, entre autres. Exposé comme une catégorie englobant les autres formes du comique littéraire (ironie, parodie et satire), l’humour constitue un phénomène ambigu, dont le décodage s’assure par des indices de plusieurs ordres. Il y a bien sûr les divers jeux de mots qui émaillent la narration, mais aussi, et surtout, les réactions étonnantes, voire inappropriées, des personnages qui confirment alors que l’histoire ne doit pas être prise au sérieux. Humour et fantastique se rejoignent ici, c’est-à-dire que le protagoniste doit souvent, sinon toujours, accepter l’inacceptable pour que l’intrigue puisse se développer. Pour lui, la fuite s’avère impossible : elle équivaudrait à ne plus raconter l’histoire d’une interaction. L’humour devient donc une arme efficace pour faire taire ses angoisses et ses interrogations.

Les chapitres trois à six servent à l’analyse de onze nouvelles, quatre québécoises (de Jacques Brossard, Roch Carrier, Marie José Thériault et Michel Tremblay) et sept étrangères (de Marcel Aymé, Dino Buzzati, Julio Cortázar, Henry James, Franz Kafka, Guy de Maupassant et Edgar Allan Poe). Ces études soulignent que l’humour se concrétise de façon plus évidente dans les œuvres où le fantastique est sans équivoque. On observe ainsi une gradation entre les cas où le surnaturel demeure diffus, insaisissable, ceux où une forme de dialogue s’instaure entre le surnaturel et le protagoniste témoin de cette manifestation, et enfin ceux où le protagoniste devient lui-même une entité fantastique, malgré tout capable de constater le décalage entre son nouvel état et sa condition antérieure.

Bref, cet essai met en relief un des traits constitutifs du genre fantastique, trait dont l’existence a déjà été suggérée, mais pour lequel une démonstration systématique restait à faire. En clair, les fantômes ont intérêt à ne pas trop se montrer s’ils veulent être pris au sérieux.

Source : Desmeules, Georges, L'ASFFQ 1997, Alire, p. 206-207.