Parution : Solaris 115, Gallix, 1995, p. 31-34.
Dans la première partie de cet article, Muriel Martin tente de déterminer les influences qui ont forgé la démarche esthétique et la conception du fantastique de Lovecraft. Lord Dunsany ? Robert W. Chambers ? Victor Rousseau ? En examinant les lectures de Lovecraft qui ont pu servir de catalyseur à son mythe personnel, lectures commentées dans l’un ou l’autre des cinq volumes des Selected Letters parus chez Arkham House, l’essayiste conclut que ce sont des textes philosophiques et scientifiques bien davantage que des œuvres littéraires qui ont marqué l’esthétique littéraire de Lovecraft.
Dans la deuxième partie, Muriel Martin s’applique à identifier les descendants de l’écrivain de Providence qu’elle classe en trois groupes : les frères adoptifs, les bâtards consanguins et les héritiers récessifs. Le premier groupe réunit des collègues ou disciples de Lovecraft (Clark Ashton Smith, Henry Kuttner, Robert E. Howard, Frank Belknap Long) avec lesquels il partage, par des notations allusives, les mythologies ou les livres démoniaques de ses pairs. Le deuxième groupe a comme chef de file August Derleth dont la contribution à la survivance de l’œuvre de Lovecraft par la fondation des éditions Arkham House est inestimable, mais qui a aussi abâtardi l’œuvre en popularisant le pastiche lovecraftien, entreprise de réinterprétation manichéenne de la mythologie lovecraftienne qui substitue le schéma (rassurant) Bien/Mal au déséquilibre cosmique (déstabilisant). Les pasticheurs professionnels « abandonnent la création d’atmosphère, pourtant le critère essentiel pour Lovecraft », pour la remplacer par un schéma mécanique, estime l’essayiste. Elle note toutefois quelques exceptions comme Colin Wilson, Robert Bloch et Fritz Leiber qui trouvent grâce à ses yeux. Le troisième groupe comprend de jeunes auteurs tels que Fred Chappell, Thomas Ligotti et Brian Stableford qui reviennent aux sources de l’inspiration lovecraftienne en paraissant la trahir ou s’en éloigner.
Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1995, Alire, p. 217.