Parution : Solaris 84, Hull, 1989, p. 30-33.
Dans la première partie de cette étude qui cherche à réhabiliter la mémoire de H. P. Lovecraft, Luc Pomerleau s’attache à décrire la personnalité de l’écrivain et à nuancer l’image publique qu’on a projetée de lui. L’auteur de « Dagon » a éprouvé des problèmes d’interaction sociale et a souffert de plusieurs maladies (notamment la « poikilothermie », c’est-à-dire l’impossibilité d’ajuster la température de son corps aux variations de la température extérieure) mais il serait exagéré de le traiter d’ermite, de misanthrope et d’hypocondriaque. Quant à ses convictions politiques et idéologiques qui lui ont valu les épithètes de « nazi » et de « réactionnaire », Pomerleau ne cache pas que Lovecraft admirait beaucoup la race aryenne mais il démontre aussi que sa pensée a évolué vers le libéralisme et vers la tolérance, particulièrement au sujet de la question juive.
Dans la seconde partie, l’essayiste aborde la troisième manière (la dernière) de l’œuvre de Lovecraft afin d’en faire valoir la modernité. Les œuvres qui appartiennent à cette période de la maturité traduisent la véritable personnalité de l’écrivain, un être profondément rationnel, contrairement aux textes des deux premières périodes encore marqués par les influences, spécialement celle de Lord Dunsany, écrivain de fantasy britannique au style précieux. Pomerleau montre que le matérialisme scientifique de l’auteur lui a permis d’inscrire dans ses grands textes de SF des perspectives cosmologiques et anthropologiques qui rejoignent les notions contemporaines du monde et de l’univers, fondées sur l’immanence de l’univers plutôt que sur l’apparition de l’humanité comme modèle réduit d’un grand ensemble conçu par un Créateur.
Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1989, Le Passeur, p. 244-245.