Parution : Solaris 114, Ville-Marie, 1995, p. 34-38.
À l’occasion de la publication de Paris au XXe siècle de Jules Verne, Alain Bergeron analyse la place qu’occupe ce roman inédit datant de 1863 dans l’œuvre immense de Verne. Il reconnaît d’emblée que, sur le plan littéraire, il s’agit là d’un des moins bons romans de l’auteur. Toutefois, en ce qui concerne les idées et la prospective technologique, Paris au XXe siècle fournit sa part de surprises car c’est un véritable récit d’anticipation, contrairement à l’essentiel de l’œuvre de Verne qui reprend, en les transformant peu ou prou, des inventions récentes de la deuxième moitié du XIXe siècle. Ce qui surprend Bergeron, c’est le négativisme profond de l’auteur envers le progrès des sciences et des techniques qui annonce quelques anti-utopies célèbres à venir.
Celui que la postérité considère comme le « chantre du positivisme scientifique et [le] grand prophète de la technologie triomphante » doute, en 1863, de la coexistence possible de deux cultures, celle de la science et celle de l’humanisme artistique et littéraire. Sa rencontre avec son éditeur Pierre-Jules Hetzel, qui croit aveuglément au progrès, sera par contre déterminante, tout comme le succès populaire de la série des Voyages extraordinaires. En s’engageant par contrat avec Hetzel, Verne signe un pacte faustien en troquant ses ambitions littéraires élevées pour un genre nouveau – dont il est l’initiateur – qui lui apportera prospérité et célébrité mais non la reconnaissance de ses pairs de l’Académie française. Alain Bergeron fait valoir aussi à quel point l’œuvre de Poe a stimulé et influencé Verne jeune. Alors que Poe verse dans le surnaturel, Verne utilisera la science et la technique comme « leviers à son merveilleux à lui » et substituera les démons de la science à ceux de l’au-delà.
Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1995, Alire, p. 205-206.