Parution : Requiem 8, Longueuil, 1976, p. 6-8.
Jean-Guy Prévost analyse l’évolution de la figure du robot dans le recueil de neuf nouvelles d’Isaac Asimov, I, Robot, en ayant continuellement à l’esprit les trois lois de la Robotique énoncées par l’auteur américain. Il note dans la suite des nouvelles une évolution qui tend à confondre l’identité de l’homme et celle de la machine. Prévost relève les mécanismes utilisés par Asimov pour en arriver à cette correspondance identitaire. L’auteur prête au robot un comportement intuitif et la capacité d’éprouver un sentiment. L’affirmation de la conscience de son existence, en somme l’Ego de l’automate, entraîne des bouleversements sur le plan des structures de l’œuvre. Il y a inversion des rôles alors que « le récit confère à l’homme une fonction de témoin et à l’automate un statut d’acteur ». Le fait que la machine se substitue à l’homme comme personnage principal donne lieu à un phénomène de réification. Ce phénomène, associé d’emblée au Nouveau Roman, apparaît bien avant dans la science-fiction où abondent les astronefs et les armes, le robot étant l’exemple le plus marquant de la réification.
Prévost évoque l’approche socio-historique de Lucien Goldmann en littérature qui lie la réification à la « disparition de toute importance de l’individu à l’intérieur des structures économiques et sociales ». La conception du robot présentée dans ces nouvelles reflète les préoccupations et les besoins de l’époque et constitue une réaction directe à la crise économique des années 1930. Si le recueil consacre l’hégémonie absolue de la machine sur l’infrastructure économique, l’essayiste n’est pas dupe de son caractère utopique. Prévost conclut son étude en constatant que la seule différence entre l’homme et le robot réside dans la transgression de la Deuxième Loi. L’homme peut se révolter, mais pas le robot. Qu’importe : le robot n’est-il pas devenu le Maître, s’interroge Prévost.
Source : Janelle, Claude, Les Années d'éclosion (1970-1978), Alire, 2021, p. 445-446.