Parution : Nuit blanche 51, Québec, 1993, p. 66-69.
D’entrée de jeu, Ivan Bielinski brosse un portrait du maître américain du fantastique, H. P. Lovecraft. Il se penche ensuite sur la cosmogonie terrifiante et unique de l’ermite de Providence qui constitue « l’expression radicale de son dégoût pour la prétentieuse modernité ». L’essayiste résume le mythe du Cthulhu qui structure l’œuvre lovecraftienne avant de décortiquer les mécanismes de l’écriture et la pensée philosophique qui sous-tendent cette œuvre. La révolution littéraire de Lovecraft consiste à pervertir le corpus historique en mélangeant habilement références authentiques et imaginaires – ces dernières renvoyant à une bibliothèque damnée fictive.
Il opère de la même façon sur le plan narratif en provoquant un affrontement du rationnel et de l’irrationnel par un amalgame de l’onirique et du réel qui ébranle le lecteur et l’amène subtilement à adhérer à la vision du narrateur. Ce qui pourrait être vu comme une déplorable surcharge d’adverbes et d’adjectifs dans l’écriture de Lovecraft contribue plutôt à créer l’atmosphère essentielle au climat d’horreur. Enfin, Bielinski fait valoir comment la prise de conscience chez Lovecraft de l’insignifiance de l’aventure humaine à l’échelle du cosmos – un simple accident de parcours –, fruit de son intérêt pour l’astronomie et la physique, est une composante importante de son œuvre qui proclame en définitive l’absurdité de la vie, de l’orgueil et de l’anthropocentrisme.
Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1993, Alire, p. 208.