Parution : Revue de l'Université d'Ottawa, vol. 55, n˚ 4, Ottawa, 1985, p. 99-114.
Relevant les déclarations des philosophes Jacques Derrida, Louis Althusser, Michel Foucault, Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir et Gilles Deleuze qui vouent à la SF un mépris hautain ou une indifférence blessante, Guy Bouchard entreprend de démontrer que leurs jugements sont arbitraires et incohérents. Il démolit la conception axiologique qui considère que « relèvent de la littérature les œuvres qui ont valeur littéraire ! ». Bel exemple de tautologie ! Mais qui détermine cette valeur et au nom de quels critères ? Cette conception qui n’a aucune consistance théorique, démontre Bouchard, exclut tout ce qui concerne la paralittérature.
Reprenant le modèle d’analyse qu’il a déjà exposé dans une étude parue dans imagine... 31, « Génologies spontanée et raisonnée de la littérature québécoise en fascicules », il en arrive à 1 344 formules romanesques distinctes fondées sur la teneur du roman, sur les personnages, sur l’espace et sur le temps. Ceux qui distinguent littérature et paralittérature appuient leur argumentation sur le fait que la première est réaliste tandis que la seconde est irréaliste, imaginaire, hypothétique ou conjecturale. Ils mettent donc en opposition identité et altérité. « Or, des 1 344 formes romanesques, 7 seulement ressortissent à l’identité pure ; 112 relèvent de l’altérité pure, et les 1 225 autres sont mixtes ». Ceux qui soutiennent l’antagonisme littérature/paralittérature réduisent donc la littérature à 0,5 % du corpus romanesque, y opposent 8,3 % de ce ce même corpus et rejettent dans l’oubli 91,1 % de celui-ci.
Guy Bouchard en appelle donc à une ouverture d’esprit chez les philosophes à l’égard de la SF, qui est pourtant une littérature d’idées éminemment philosophiques, et les invite à reconnaître les limites de leur pratique « lorsqu’elle ne se préoccupe que des éléments philosophiques explicites de certaines œuvres littéraires ».
Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1986, Le Passeur, p. 267-268.