Parution : Solaris 93, Hull, 1990, p. 24-25 et 28.
Au moyen d’une approche philosophique, Guy Bouchard démontre dans cette étude que la science-fiction savante (la science-fiction hard) n’a pas le monopole de la rationalité et que les arguments de ses apologistes qui prônent la supériorité exclusive de celle-ci ne résistent pas à l’analyse. Après avoir passé en revue plusieurs définitions de la science-fiction, il constate qu’il ne suffit pas qu’une fiction soit fondée sur la science ou la technique pour qu’elle appartienne au corpus de la SF. Plusieurs œuvres réalistes, celles de Zola notamment, rencontrent ce critère sans qu’on les rattache pour autant à ce genre littéraire. Il faut donc que la science et la technique soient extrapolées ou spéculatives.
Dès lors, une première difficulté surgit puisqu’il faut établir une distinction entre science exacte (sur laquelle s’appuie la SF hard) et science inexacte. Or, si la science-fiction savante « n’innove pas sur le plan scientifique, elle devient redondante par rapport aux manuels scientifiques et aux ouvrages de vulgarisation. Et si elle innove, comment peut-elle se réclamer encore de la science exacte ? » À l’aide de quelques exemples, Bouchard montre que des auteurs de SF hard utilisent des notions comme le voyage temporel et la vitesse supraluminique dont la probabilité est loin d’être démontrée, ce qui fait que ces œuvres relèvent elles aussi de la pseudo-science.
Au fond, constate Bouchard, la science-fiction savante pose la question des rapports entre art et connaissance. Les œuvres de SF hard font la preuve que les valeurs esthétiques sont autonomes par rapport aux valeurs cognitives. Pour toutes ces raisons, il conclut que la SF savante, nonobstant sa légitimité et ses qualités intrinsèques, constitue un sous-ensemble de la SF et qu’elle ne peut prétendre régenter l’ensemble du domaine puisqu’elle s’appuie sur une utilisation de la science qui relève souvent de la simple rhétorique.
Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1990, Logiques/Le Passeur, p. 206.