Plus encore que la prépondérance du discours science-fictionnel sur le discours fantastique, ce qui frappe le plus, en 1985, dans la production théorique, c'est l'importance accordée à l'utopie. Réaction à la démobilisation générale de la société occidentale incapable de s'enthousiasmer pour l'élaboration d'un nouveau contrat social ? Tous les théoriciens qui se sont penchés sur ce genre reconnaissent en tous cas la nécessité de formuler des projets de société utopique pour que se constitue un imaginaire fort.

Il existe peut-être une autre raison à la popularité de l'utopie. Il s'agit en soi d'un genre respectable puisqu'il remonte aussi loin que Platon. Les autres études sur la SF proposent une réflexion globale et ne portent pas sur des sous-genres mineurs comme l'heroic fantasy et le space opera. En outre, l'utopie étant plus que toute autre une littérature d'idées, elle est susceptible d'attirer un large éventail de spécialistes des sciences humaines (sociologues, philosophes, etc.).

On remarque enfin une progression du nombre d'études ou d'articles de fond. Cette tendance confirme la percée effectuée surtout par la science-fiction dans le champ de la recherche universitaire au Québec. La mise à jour graduelle du corpus antérieur à 1960 et l'abondance de la production actuelle n'y sont certainement pas étrangères. Il faut s'en réjouir.

Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1985, Le Passeur, p. 147.