Après un fléchissement important en 1990, la production des études retrouve son niveau habituel en 1991 avec la publication de 22 textes théoriques et d’un essai dont l’un des chapitres, parce qu’il aborde la notion d’utopie dans Jean Rivard de Gérin-Lajoie, peut être annexé au domaine de la science-fiction. Cette remontée du discours théorique représente certes une raison de se réjouir car elle est attribuable dans une grande mesure à l’institution universitaire qui s’était faite discrète dans le domaine ces dernières années, hormis quelques chercheurs infatigables comme Guy Bouchard et Michel Lord.
La principale contribution provient du Centre de recherche en littérature québécoise (CRELIQ) qui publie les travaux des étudiants ayant participé, au cours du trimestre d’hiver 1988, à un séminaire sur le fantastique au Québec animé par Maurice Émond. La publication, intitulée Les Voies du fantastique québécois, regroupe douze études et a le mérite de permettre à de nouvelles voix de s’exprimer dans le champ de la théorie. Le seul point qu’il faut déplorer, c’est que le choix d’étude des participants devait se limiter aux textes réunis par Maurice Émond dans l’Anthologie de la nouvelle et du conte fantastiques québécois au XXe siècle. La nouvelle de Marie José Thériault, « Les Cyclopes du jardin public », fait ainsi l’objet de deux études qui se recoupent.
Une autre initiative du CRELIQ contribue à alimenter la production des études. La publication des actes du Deuxième Colloque interuniversitaire de jeunes chercheur-e-s qui a eu lieu en 1990, Littérature québécoise. La recherche en émergence, fournit en effet trois autres communications inscrites sous l’enseigne du fantastique.
Il résulte donc de ces deux événements importants un phénomène tout à fait nouveau dans la production des études : c’est la première fois que le fantastique suscite autant d’essais, soit 17, et qu’il déclasse la science-fiction qui se contente de quatre études. Cette indigence est en partie attribuable au fait que la revue imagine…, pourvoyeur fidèle d’études sur la science-fiction, n’a pas publié de numéro consacré à la théorie en 1991.
Se pourrait-il que l’année 1991 soit marquée par l’émergence d’une nouvelle génération de chercheurs – les Georges Desmeules, Lise Morin, Christiane Lahaie – qui assureront une permanence dans l’expression du discours théorique appliqué au fantastique et à la science-fiction ? C’est le bilan provisoire que nous sommes tentés de dresser à la lumière de la moisson de 1991. Affirmation de l’institution universitaire dans le champ d’étude qui nous concerne et émergence d’une nouvelle cohorte de jeunes chercheurs constituent les deux faits saillants de l’année 1991, tandis que la domination du fantastique – qui n’est peut-être que conjoncturelle – ne manque pas d’apparaître étonnante quand on consulte les statistiques des huit dernières années.
Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1991, Logiques/Le Passeur, p. 189-190.