L’inventaire des études constitue un indicateur significatif de l’intérêt que manifestent les chercheurs et les universitaires québécois à l’endroit des littératures de l’imaginaire. On trouve un peu de tout dans cette compilation : un essai, des études de fond, quelques articles de journaux ou de revues, une préface, des communications savantes. Le signataire doit être québécois ou canadien francophone pour que son texte, quel que soit son sujet, soit résumé dans le présent site. Si l’auteur du texte est étranger, celui-ci doit traiter exclusivement d’une œuvre ou d’un ensemble d’œuvres tirées du corpus québécois pour être répertorié ici.

Après un creux relatif au cours des trois années précédentes, la production de 1993 affiche des résultats très intéressants. Elle compte en effet un essai remarquable sur la science-fiction et 31 études ou articles qui se répartissent à peu près également entre la science-fiction, le fantastique et une approche mixte des deux genres. Cela représente le deuxième plus haut total depuis que nous compilons ces statistiques, l’année 1985 détenant le record de 37 études au sens large.

La majorité (21) des contributions de 1993 concerne exclusivement la production québécoise, récente ou relativement ancienne, ce qui démontre que le corpus québécois atteint maintenant une masse critique suffisamment riche pour susciter une variété d’études sur divers auteurs. Ajoutons à cela l’institutionnalisation des structures éditoriales du milieu et la permanence d’un discours critique assurée par un noyau dur de théoriciens. Des études comme celles de Guy Bouchard, « L’Image de la science-fiction au Québec : 1960-1984 », et de Rita Painchaud, « Le Fantastique et la science-fiction dans les périodiques québécois spécialisés (1974-1984) » auraient été impensables il y a dix ans en raison de la trop récente apparition de ces genres. 

Au début des années 1980, les spécialistes s’intéressaient alors davantage aux œuvres étrangères. En 1993, ces dernières font l’objet de sept études ou articles tandis que quatre autres textes se situent dans une perspective comparative qui met sur un même pied les œuvres québécoises et les œuvres du corpus mondial. En outre, ce discours critique ne se limite pas aux frontières du Québec puisque certaines études sont parues dans des publications européennes ou au Canada.

Deux faits dominent la production de l’année 1993. La publication de l’essai de Guy Bouchard, Les 42 210 univers de la science-fiction, constitue indéniablement une contribution stimulante intellectuellement et inestimable à la connaissance de la science-fiction et à son inscription dans la vaste entreprise de création qu’est la littérature. À défaut d’accoucher d’une définition claire et concise de la SF, Bouchard livre une grille d’analyse empirique qui permet de départager les territoires respectifs des différentes formes romanesques. Qui sait si, dans dix ou vingt ans, on ne classera pas le corpus selon le système de Bouchard en évoquant un récit de SF de type 3-4-9-47 ou de type 2-8-21-33 en référence aux quatre micro-systèmes sur lesquels s’appuie sa démarche théorique ?

L’autre événement majeur découle de la présentation en mai 1990 d’un colloque portant spécifiquement sur la problématique des rapports entre des genres dits non réalistes comme le fantastique et la science-fiction. Les actes de ce colloque organisé par trois membres du groupe de recherche interdisciplinaire sur les fantastiques dans l’imaginaire québécois (GRILFIQ), à l’Université Laval, font l’objet d’une publication sous le titre Les Ailleurs imaginaires. L’ouvrage réunit 17 communications, dont onze contributions provenant de chercheurs ou d’écrivains québécois. Les grands noms de la théorie littéraire des genres y sont : Guy Bouchard, Jean-Marc Gouanvic, Élisabeth Vonarburg, Michel Lord, André Carpentier. Cette rencontre avec des invités d’outre-Atlantique comme Max Milner, Simone Vierne, Jean Fabre, Roger Bozzetto et Madeleine Borgomano ne peut être que bénéfique pour le rayonnement de la SF et du fantastique québécois à l’étranger.

Parmi les chercheurs dont la production en 1993 est digne de mention, je retiens plus particulièrement le nom de Lise Morin – âgée alors de moins de trente ans – qui s’intéresse au fantastique depuis quelques années et qui compte à elle seule quatre études.

Au total, ce sont donc 22 voix différentes qui ont contribué à la diffusion et à l’approfondissement des pratiques d’écriture de science-fiction et de fantastique au Québec en 1993.

Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1993, Alire, p. 205-206.