Peut-on parler d’une mauvaise année quand la production théorique se limite à six articles ou études et à un essai et que ce livre, rédigé par Richard Saint-Gelais, a pour titre L’Empire du pseudo. Modernités de la science-fiction ? Il n’y aurait que cet ouvrage théorique remarquable, acclamé unanimement par les écrivains et les amateurs de science-fiction pour son intelligence du genre et l’acuité de son propos, à ranger sur le même rayon que l’essai de Guy Bouchard, Les 42 210 univers de la science-fiction, paru en 1993, que l’année 1999 ne saurait afficher un bilan négatif. Il s’agit là, à n’en pas douter, d’une somme et d’une contribution qui placent son auteur sur le même pied que les Guy Bouchard, Élisabeth Vonarburg, Michel Lord et Jean-Marc Gouanvic qui demeurent les figures de proue québécoises de la production théorique ayant pour objet la science-fiction et le fantastique mais dont la présence se fait plus discrète depuis quelques années.

Sans discréditer le travail des autres auteurs d’études de cette année, personne n’atteint le niveau de réflexion de Richard Saint-Gelais dans ses analyses et personne ne prétend d’ailleurs faire œuvre de théoricien patenté du genre. Alain Bergeron, qui livre deux articles fouillés dans le cadre de sa chronique L’Anachorète dilettante sur la position de la SF québécoise et sur Tyranaël, la pentalogie d’Élisabeth Vonarburg, se présente comme un amateur éclairé. Michel Lamontagne, qui signe une analyse des deux premiers recueils de contes de Daniel Sernine, est un admirateur de l’œuvre serninienne dont il a déjà exploré d’autres facettes. Guy Sirois est un historien de la SF et du fantastique qui s’intéresse aux écoles, aux mouvements littéraires plutôt qu’à la théorie des genres. Et Jean-Louis Trudel, qui se définit comme chercheur en plus, évidemment, de l’écrivain qu’on connaît, traite dans son étude de la science-fiction dans les pulpsquébécois dans une perspective sociologique.

À l’exception du texte de Sirois qui porte sur le fantastique anglais à l’époque victorienne, tous les sujets sont québécois. Quand la production était abondante – on parle de la production des années 1980 –, il y avait un grand nombre d’études sur des auteurs étrangers, études souvent regroupées dans des dossiers spéciaux de revues littéraires. Il n’y a plus guère que Solaris pour publier régulièrement des études (quatre en 1999) et ce n’est pourtant pas sa vocation première.

Le nombre limité d’études s’explique aussi par le recul de la production d’œuvres de SF qui, qu’on le veuille ou non, reflète une diminution d’intérêt chez les lecteurs et une perte d’influence dans le cercle des études universitaires. De plus, la réforme de l’éducation au Québec a entraîné des changements importants dans l’enseignement de la littérature qui ont conduit à l’éradication de la SF dans les institutions collégiales.

Ajoutons tout de même au bilan de l’année 1999 la publication de deux ouvrages dans la collection Essais des éditions Alire : Le XIXe siècle fantastique en Amérique française sous la direction de Claude Janelle et Radiographie d’une série culte : The X-Files d’Alain Bergeron et Laurine Spehner. Le premier, construit sur le modèle de L’ASFFQ, est l’aboutissement d’un travail de recherche qui couvre un siècle d’histoire littéraire et qui, en délaissant l’actualité de la production annuelle, s’inscrit dans une perspective plus large de recherche fondamentale. Le second, qui se déploie en treize chapitres, n’est pas recensé dans la présente section des études parce qu’il s’attarde à une production télévisuelle. Or L’ASFFQ ne commente pas les productions cinématographiques, audiovisuelles, théâtrales ou multimédia et les publications électroniques en science-fiction et en fantastique. Et dans la section des études sont recensés uniquement les essais ou études d’auteurs québécois portant sur la production québécoise ou étrangère dans ces deux genres.

Tout compte fait, l’année 1999 n’a pas été aussi mauvaise qu’on pourrait le croire à première vue puisqu’elle a légué en la matière quelques contributions durables à la connaissance du corpus et des pratiques discursives des œuvres qui le composent.

Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1999, p. 187-188.