Parution : Solaris 94, Hull, 1990, p. 27-30.
Stanley Péan a relu Les Enfants du sabbat d’Anne Hébert dans une perspective sociocritique tout en s’interrogeant sur la pertinence de l’utilisation de thèmes fantastiques par l’auteure. Comme tant d’autres – et il le sait –, il constate que l’œuvre hébertienne est traversée par une soif de « transgresser les limites imposées par le Pouvoir – clérical, civil, économique ou autre, mais toujours masculin ». Or, le fantastique, dont l’esthétique se construit sur une subversion du projet réaliste voué à la reproduction fidèle du réel qui étouffe le potentiel de révolte contenu dans la création artistique, permet à l’auteure de « prendre Pouvoir sur le monde, de le renverser ».
Péan montre que sœur Julie ne se contente pas d’un simple affranchissement des valeurs traditionnelles opprimantes de la société canadienne-française ; elle subvertit le modèle proposé par le Pouvoir patriarcal en faisant éclater la triade vierge/mère/putain. L’essayiste soupçonne même l’auteure d’avoir situé délibérément son récit dans la période précédant la Révolution tranquille, période marquée par l’extrême rareté de la pratique fantastique, dans le but de venger celle-ci.
Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1990, Logiques/Le Passeur, p. 213.