Parution : Solaris 129, Proulxville, 1999, 27-31.
Conscient que Tyranaël se prête à une multitude de lectures différentes, Alain Bergeron livre ses impressions personnelles sur la pentalogie d’Élisabeth Vonarburg qu’il qualifie de « monumentale ». Pour lui, bien que Tyranaël appartienne au courant classique de la SF et que ses sources d’inspiration puissent être nombreuses, l’œuvre de Vonarburg compose « une entité unique, différente et tout à fait personnelle ». Les thèmes puisent, selon Bergeron, dans le corpus de la SF des années 1960 – dont la lecture à l’adolescence a formé l’auteure – tandis que l’organisation narrative, par sa complexité, est typique des années 1990.
Deux noms s’imposent à l’esprit de Bergeron à la lecture de Tyranaël, deux noms qui imprègnent de façon déterminante la conception du monde sous-jacente à l’œuvre de Vonarburg : Philip K. Dick et J. R. R. Tolkien. Dick, parce que le monde mis en place dans Tyranaël est truqué et que les personnages – ils ne l’apprennent que progressivement – sont soumis, comme leur environnement, « à toutes sortes d’expériences, d’observations et d’interventions occultes ». Quant à Tolkien et à la fantasy en général, leur influence se traduirait par la présence de cartes – Virginia avec ou sans la Mer, Tyranaël –, par le souci ethno-linguistique de Vonarburg qui l’amène à développer le setlâd. Autre convergence entre les deux auteurs : leur apparente nostalgie d’une sorte d’âge d’or mythique, terrien et pré-industriel que Tolkien situe dans un passé imaginaire, Vonarburg dans un lointain futur. Car les Ranao – les habitants originaux de Tyranaël – ont légué aux humains « un modèle de développement qui n’est pas loin de ressembler à une sorte d’utopie écologique ». En s’imposant comme contrainte cet immobilisme technologique, l’auteure, estime Bergeron, a fait un choix éthique qui renvoie aux valeurs prônées par le mouvement hippie de la fin des années 1960.
Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1999, Alire, p. 189-190.