Parution : U•Topos et les tiroirs de l'utopie, Matane, Galerie d'Art de Matane, 1987, p. 26-33.
Jean-Bernard Fabre aborde les différentes conceptions du temps qui ont marqué l’histoire de l’Occident. Il brosse ainsi une évolution de la pensée qui va du mythe à l’utopie en passant par le millénarisme, soit autant de formes d’état idéal de perfection sociale. Dans le mythe primitif, on conçoit le temps d’une manière cyclique et négative puisque les individus ne peuvent accéder que de manière intermittente au paradis au moyen de rites et de fêtes. Par la suite, la conception judéo-chrétienne du temps introduit « l’idée d’une dégradation continue, laquelle crée une certaine linéarité au sein du processus cyclique ». Cette linéarité favorisera l’émergence des premières conceptions millénaristes, fondées sur l’évolution du temps cyclique et négative malgré le fait qu’elles situent le paradis à la fin des temps et non à l’origine, ce qui le rend réalisable en ce monde. Cependant, cette même linéarité du temps, avec l’attente messianique propre au christianisme, prend une valeur positive.
Fabre étudie aussi la première utopie, celle de Platon, et la met en relation avec les conceptions qui précèdent. Le philosophe grec envisage le temps comme « cyclique, dépourvu de valorisation négative, ce qui l’oppose tant au mythe qu’au millénarisme et prépare la voie à la conception chrétienne du temps ». Mais l’utopie se caractérise aussi par la rationalité des rapports sociaux et la primauté de la science qui va naître. L’auteur conclut que ces courants, en définitive, se différencient moins par leur contenu ou par leur but que par la façon d’y parvenir, « les moyens constituant la relation entre le réel vécu et le réel désiré : mystiques et rituels dans le cas du mythe et du millénarisme ; rationnels et scientifiques dans le cas de l’utopie ».
Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1987, Le Passeur, p. 205-206.