Parution : imagine… 38, Montréal, 1987, p. 40-53.
Mario Bédard préconise dans cet essai que la géographie humaniste s’inspire de la SF car les réflexions spéculatives qu’elle propose sont nourries par l’imaginaire, lequel « augmente les valeurs de la réalité » selon l’expression de Bachelard. Le géographe croit en effet que la SF véhicule « une critique sociale pertinente de l’ère industrielle moderne » par la médiation de trois thématiques : aliénation, pollution et linéarité temporelle. Malgré ses visions apocalyptiques, la SF continue de croire en l’humanité et s’affiche comme une œuvre humaniste.
L’essayiste présente ensuite un bref survol de l’évolution de la géographie et définit cette nouvelle école de pensée : la géographie humaniste. « Elle se différencie de la géographie traditionnelle et de la géographie appliquée en ce que sa problématique n’est plus tant spatiale qu’humaine. » Reconnaissant que l’espace géographique est un produit social reflétant la société qui l’a engendré, le géographe doit se rabattre sur une problématique de l’homme, à défaut d’une problématique de l’espace. La géographie humaniste s’intéresse donc aux questions d’identité, de temps et de relations homme-nature, tente de rétablir la variable humaine au sein de l’espace et s’interroge sur les caractéristiques aliénantes et occultantes de l’ère industrielle.
Pour contrer l’aliénation sociale, la géographie humaniste privilégie une action en trois volets. Premièrement, elle encourage l’extension de la lucidité critique des hommes, particulièrement par l’accentuation de leurs individualités et de leurs sociétés. Deuxièmement, elle prêche l’avènement d’une perception temporelle cyclique qui tire profit des enseignements de l’histoire, contrairement à l’actuelle perception linéaire, propre aux civilisations judéo-chrétiennes, qui surenchérit à l’omnipotence du progrès industriel. Troisièmement, elle prône l’intégration effective de l’homme dans la nature, qu’il doit gérer mais non exploiter.
C’est pourquoi l’auteur pense souhaitable la conjonction de la SF et de la géographie humaniste : toutes deux poursuivent le même objectif, soit élaborer un projet de société au sein de laquelle une collectivité, tout en progressant, respectera les limites et les nécessités de l’homme et de la nature.
Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1987, Le Passeur, p. 200.