Parution : imagine… 65, Sainte-Foy, 1993, p. 75-92.
Louis Bilodeau commente une œuvre du grand Jules Verne, Voyage à travers l’impossible, qui a la particularité d’être une pièce de théâtre dont le texte a été découvert en 1981, soit 99 ans après sa création à la scène au Théâtre de la Porte-Saint-Martin. Verne a écrit un grand nombre de pièces de théâtre, seul ou en collaboration avec d’Ennery, mais celle-ci, qui s’inspire de plusieurs de ses romans – Vingt mille lieues sous les mers, Voyage au centre de la terre, De la terre à la lune, Autour de la lune – et de la nouvelle « Une fantaisie du Docteur Ox », constitue aux yeux de Bilodeau l’œuvre de Verne « qui correspond le mieux à notre conception moderne de la science-fiction ».
Son jugement est fondé sur la confrontation entre science et religion qui se joue dans les trois actes et l’épilogue. Après avoir mis en contexte les conditions de production de la pièce de Verne, l’essayiste, détenteur d’un doctorat sur Jules Verne dramaturge, questionne la position de l’auteur face à la science. Il note que son attitude est fluctuante et que la science dans son œuvre n’a pas qu’une seule valeur. L’utilisation de la technique – les réelles inventions de l’auteur étant plutôt rares, ce qui rattache plusieurs de ses romans au fantastique davantage qu’à la science-fiction – est assortie d’une mise en garde contre les dangers qu’elle représente.
Louis Bilodeau retient de l’enseignement de la pièce que « le genre humain ne doit pas tout sacrifier à la science mais l’utiliser en respectant les lois de la nature et de la religion ». À cet égard, le parcours du protagoniste principal, Georges, est emblématique d’une quête prométhéenne qui menace la survie du monde, ce qui le distingue des autres chercheurs de l’œuvre de Verne qui poursuivent un but plus noble.
Sans prétendre remettre en question la place de Jules Verne dans l’histoire de la science-fiction, l’étude de Bilodeau nuance le portrait de l’auteur en chantre du progrès et de la science en soumettant à l’analyse ce Voyage à travers l’impossible.
Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1993, Alire, p. 208-209.