Parution : Critère 38, Montréal, 1984, p. 267-285.
Pierre Fortin commence par définir la spécificité de la science-fiction. Elle repose avant tout sur « un effet de langage puisant sa crédibilité dans la perception sociale de la science ». Précisant qu’il s’agit d’un genre littéraire et non d’un genre scientifique, l’auteur considère que la SF joue « un rôle important dans la structuration d’une mythologie contemporaine ». Il divise en trois périodes l’histoire moderne de la SF : la période optimiste (1925-1945), la période pessimiste (1945-1967) et la speculative fiction (1967 à aujourd’hui). Fortin explique comment la Deuxième Guerre mondiale et la guerre du Vietnam ont influencé la SF, celle-ci entretenant un rapport étroit avec l’Histoire.
Dans la deuxième partie de son article, l’auteur aborde le sous-genre du space opera qu’il juge le plus propice à l’étude du thème de la guerre. Version moderne du roman d’aventures de la fin du XIXe siècle, le space opera reproduit dans l’espace les conflits et les rapports de force qu’on trouve sur la Terre. Fortin dégage des constantes propres à la majorité des textes de space opera : l’incapacité endémique à penser « l’Autre autrement que comme nous-mêmes », la promotion de l’idéologie américaine au nom de la supériorité de l’American Way of Life, « la xénophobie qui se manifeste dans la peur de l’extra-terrestre » et la vision archaïque de l’Histoire dont le cours peut être changé par un héros solitaire.
Fortin conclut que dans sa présentation du phénomène de la guerre, la SF, loin de contribuer à la disparition de celle-ci, la rend acceptable. En effet, la guerre est représentée de façon aseptisée. De plus, la SF distille une « acceptation quasi unanime de l’inévitabilité d’un conflit nucléaire » et entretient l’illusion qu’il y aura toujours quelques survivants quelque part.
Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1984, Le Passeur, p. 124.