Parution : Lettres québécoises 2, Montréal, 1976, p. 21-23.
Tout comme Laure Conan, Jules-Paul Tardivel puise son inspiration à une double source : la patrie et la religion. Mais là s’arrête la comparaison esquissée par René Dionne car l’écrivain d’origine américaine installe ses personnages dans un temps à venir et un espace à créer (la république de la Nouvelle-France en 1945) alors que la romancière de Charlevoix crée des personnages contemporains qui habitent leur corps et leur pays. C’est là d’ailleurs, selon le critique, une des faiblesses de Pour la patrie : les personnages de Tardivel n’ont pas d’épaisseur psychologique, ils n’ont que des idées. Ils représentent les protagonistes d’un combat qui se joue à un niveau plus élevé, entre le Dieu-Bien et le Mal luciférien.
Dionne montre que cette vision théologique du monde est inspirée directement des Exercices spirituels d’Ignace de Loyola que Tardivel a connus au temps de ses années de pensionnat. Une autre faiblesse du roman réside dans son incapacité à imaginer de façon sensible la réalité, le devenir et les conditions de vie des habitants dans un pays séparé, comme c’est souvent le cas dans les autres romans séparatistes. Ce qui fait dire à René Dionne que la conception théologique du monde est le véritable moteur de « l’essai » de Tardivel qui n’a du roman nationaliste que les apparences, la patrie n’étant enjeu de la lutte que parce que la religion est ici menacée.
Source : Janelle, Claude, Le XIXe siècle fantastique en Amérique française, Alire, p. 229.