Parution : Les Voies du fantastique québécois, Québec, CRELIQ, Nuit blanche éditeur, coll. Séminaire n˚ 3, 1990, p. 123-137.
Pierre Mercier fait appel aux concepts exposés par les théoriciens Gilbert Durand, Gaston Bachelard et Jean Paris pour étudier la nouvelle fantastique de Marie José Thériault dans une perspective thématique et archétypale. Au préalable, l’essayiste définit trois notions qui se situent au cœur de sa démarche artistique : le schème, l’archétype et le symbole. Le schème, selon Durand, se présente comme une « généralisation dynamique et affective de l’image » et implique les notions de mouvement et de sensation, ce qu’il appelle un « trajet incarné » (par exemple, le mouvement de la chute). L’archétype, pour sa part, est « une image primordiale, originelle » (par exemple, la gueule dévorante) et constitue « une idéalisation d’un schème ». Enfin, le symbole « est une manifestation particulière, concrète et matérielle des grands invariants » qu’il vient de définir.
En analysant les images de chute, de pesanteur et de ténèbres qui appartiennent au « régime diurne » de l’image, lequel inclut les images premières de l’effroi chez l’homme, Mercier démontre comment ces images contribuent à asseoir la fantasticité du récit de Thériault en tissant un réseau complexe d’associations génératrices d’angoisse et d’effroi. Elles contribuent, par l’absence de référents spatio-temporels, à créer un véritable phénomène de « déréalisation » des êtres et des choses. Enfin, l’essayiste se penche sur l’archétype de la femme fatale (« une exagération de l’œdipe ») en soulignant la position centrale des oiseaux-cyclopes dont l’animalité, soutenue par une symétrie chromatique, entretient un rapport dialectique avec la féminité de l’Eurasienne que suit le héros et la nature chtonienne du soleil.
Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1991, Logiques/Le Passeur, p. 201.